Invité du second numéro du podcast "Victor et les autres", notre émission mensuelle consacrée à a course au premier choix de draft 2023 et à Victor Wembanyama, le scout australien Austin Green, anciennement chez les New Orleans Pelicans, a confié ses réactions après le début de saison du français avec les Mets. Il a assisté personnellement à plusieurs entraînements de Boulogne-Levallois.


Merci d'être ici Austin, on commence très simple, qu'est ce qui t'a impressionné dans le début de saison de Victor Wembanyama ?

D'abord simplement sa productivité statistique. Il a dépassé toute attente raisonnable qu'on aurait pu avoir envers lui. Tout le monde savait qu'il était spécial, mais aucun prospect de cet âge ne produit de telles statistiques. Même Luka Doncic, quand il est élu MVP de l'Euroleague, il n'était pas dans ces hauteurs. La productivité est incroyable, notamment parce que les Metropolitans lui donnent beaucoup de liberté, aussi parce qu'il l'utilise en jouant avec confiance. Et puis, autre chose impressionnante, l'équipe gagne ! Avec un gars de 18 ans leader de l'équipe, c'est très surprenant. Enfin, ce qui m'a impressionné, c'est cette vision de jeu, cette capacité à faire de bonnes passes, à anticiper, à décrypter. Je l'ai vu notamment contre Limoges, il fait deux passes voleyées, et là on voit que le QI est spécial.

Un mot sur la double confrontation avec Scoot Henderson à Vegas ? Tu y étais, tu as parlé à des scouts, des membres de staff NBA, qu'est ce qui a changé pendant ces deux matchs ?

Tout le monde savait qu'il était un prospect générationnel mais ils voulaient VOIR de leurs propres yeux, sur un terrain NBA. La première mi-temps du premier match, Scoot a vraiment bien joué, il y avait quelques chuchotements, "oh, peut-être que c'est lui le first pick". Et puis la deuxième mi-temps est arrivée et Victor a rendu tout ça ridicule, la démonstration de shooting, d'ailleurs je pense qu'il a encore gagné de la confiance en mettant ces tirs dans ce match. Il peut tout faire sur un terrain et on dirait qu'il est en train de s'en rendre compte. C'est vraiment incroyable à voir. J'ai lu l'article de SLAM, où Wembanyama dit qu'il se voit comme un artiste et pas seulement comme un joueur de basketball, et vraiment il joue comme ça, il pousse ce qu'on pensait être les limites de ce sport, c'est spécial à regarder. De la perspective d'un scout, ou d'un dirigeant NBA, tu regardes ce qu'il a fait à Vegas, et c'est impossible de ne pas être estomaqué, soufllé par sa performance. La taille, la mobilité, les capacités techniques, l'aspect mental, la dureté, compétitivité, envie de gagner, tout est impressionnant.

Tu étais déjà venu sur Envergure nous parler de Luka Doncic, avant sa draft. Tu parles beaucoup de mental à propos de Victor, son cerveau, des choses qui font les grands joueurs. Comment tu le compares à Doncic, au niveau de leur cerveau ?

Ils voient tous les deux le jeu d'une manière spéciale, ils voient ce qui se passe avant que ça se passe, des choses que les autres joueurs ne peuvent pas voir. C'est un peu grâce à leur cerveau, mais un peu grâce à leur taille aussi : Luka est un grand meneur, des lignes de passes interdites aux autres s'ouvrent à lui. Et je pense que dans la mentalité, ils ont la même confiance en eux, ils ont compris qu'ils avaient ce qu'il fallait pour être géniaux, et ils ont compris ce qu'il fallait faire pour le devenir. Je pense que de nombreux prospects vont en NBA et perdent la confiance qu'ils avaient auparavant. Quand tu la perds, c'est très difficile à récupérer, regardez les deux premières années de Killian Hayes, la carrière de Frank Ntilikina. Mais Luka, Victor, j'ai l'impression qu'ils ont compris qu'ils étaient les patrons, "the next ones", les héritiers, ils jouent avec ce swagger. Moi j'appelle ça de la bonne arrogance. Parfois ils ne sont puet-être pas aussi forts qu'ils le pensent, mais le penser ça leur permet de faire des choses spéciales. Ils n'ont pas peur du moment, d'essayer, comme Victor avec ses six dribbles entre les jambes puis son trois points sur une jambe, qui fait ça honnêtement ? Il te faut, pour être spécial, de l'audace qui vient de la confiance.

Tu as vu Victor s'entraîner avec les Mets. Est-ce qu'il a un travail spécifique pendant l'entraînement ?

Au début il est avec l'équipe, l'échauffement, la préparation, et il prend ça très au sérieux. Certains gars un peu plus vieux pouvaient par exemple blaguer, je veux dire ils sont pros depuis longtemps, c'est un entraînement du jeudi parmi d'autres. Mais Victor était concentré tout du long, et dès qu'il y avait des oppositions, il était compétitif. Même au début de l'entraînement quand ils ont fait un dodgeball, ça se voyait dans son comportement qu'il voulait gagner. J'ai trouvé ça intéressant, et puis après l'entraînement, il a travaillé avec Vincent Collet. Ça a duré environ 30 minutes, des post-up, des hook shots, l'angle de ces hook shots, des tirs à trois points. Tu pouvais voir son envie d'apprendre, il posait beaucoup de questions, il voulait que ça soit parfait. À un moment donné, il fait un 10/13 depuis un spot à trois points, et si ce n'était pas un swish parfait, il était agacé. Ça montre son désir d'excellence.

Dernière question, sur quoi il peut travailler ? Quelle devrait être sa priorité pour le reste de la saison ?

Bon, il est fantastique, il n'y a pas grand chose pour être honnête. Peut-être quelques trucs que j'ai noté dans le tir, parfois ses doigts de pied pointent un peu trop vers la gauche par rapport au panier. Quand j'étais aux Pelicans, c'est quelque chose que Brandon Ingram a corrigé en travaillant avec Fred Benson, le shooting coach, qui est très reconnu. Et ce gars-là disait que le tir, ça part de la base, si tes pieds pointent trop vers l'extérieur, trouver de l'équilibre est un peu plus compliqué. Contre Limoges par exemple, Victor fait un tir dans le genre, il le rate. Ça c'est une chose. Ensuite défensivement, parfois il tourne ses hanches alors qu'il n'en a pas besoin. Le centre de gravité va toujours faire qu'il pourrait se faire pousser au rebond, il a montré qu'il pouvait être plus dur, mais par exemple à Vegas il s'est fait un peu bousculer au premier match, il a vite corrigé au 2e. Il apprend tellement vite, je ne pense pas que ses défauts le resteront très longtemps.

 

Note : entretien enregistré début novembre