Marc-Grégor Campredon est photographe, freelance. Ce Français exilé aux États-Unis est un fidèle d'Envergure, il nous a notamment permis d'utiliser certaines de ses photographies pour illustrer notre site / bannière sur Twitter. Marc-Grégor a suivi l'année passée les joueurs de l'université du Michigan lors de la quasi-intégralité de leurs rencontres. Une équipe qui comptait trois candidats à la draft (Brazdeikis, Matthews, Poole), coachée par une légende vivante, devenu depuis HC des Cleveland Cavaliers : John Beilein.

Pour succéder à Beilein, les dirigeants de la fac' ont jeté leur dévolu sur l'ancien joueur de Michigan, membre du Fab Five (avec Jimmy King, Jalen Rose, Chris Webber et Ray Jackson) et ancien champion NBA avec le Miami Heat. Marc-Grégor a assisté à l'intronisation du nouveau coach, sa première conférence de presse, entre émotion et incertitude. Pour comprendre toute la force du sport universitaire aux États-Unis, pour mesurer l'ampleur du travail de John Beilein, la difficulté du recrutement lorsque l'on joue "dans les règles", lisez ce texte. C'est notre carte blanche à Marc-Grégor Campredon.

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“Faites du bruit tout le monde – C’est mort là – Allez!” dit Isaiah Livers timidement en levant les bras pour faire bouger ses partenaires mais aussi les régents de l’Université du Michigan assis devant lui. Peine perdue, Juwan Howard le nouveau coach sort du tunnel Baldwin et s’avance vers son siège dans un silence surprenant malgré les 150 personnes présentes…

L’ambiance est à l'opposée d’un jour de match, où c’est normalement l’euphorie quand l’équipe et le coach sortent du tunnel accompagnés par l’orchestre jouant “The Victor” ! Même pendant les matchs poubelles de noël, il y a un minimum d’ambiance à Crisler.

Ward Manuel, le directeur Athlétique, fait sa présentation où il explique pourquoi il a fait ce choix « évident » qui a convaincu tout le monde à l’Université. L’émotion est forte : Howard fond en larme, il revient en héro adoubé par la Michigan-Family.

Juwan ouvre en rappelant la fin douloureuse des 5 Fabuleux avec une deuxième défaite en finale de la March Madness : “Il y a 25 ans, j’ai quitté cet endroit et j’avais le sentiment d’avoir abandonné mes coéquipiers  car nous n’avons pas gagné le titre national, mais je suis de retour et on va se bouger l’arrière pour ramener ce titre de champion pour la plus grande Université au monde”.

Cette fameuse super class devait tout gagner: Célébrée par le monde entier (ou presque) comme des rock stars en 92 avant la finale perdue face à Duke, puis conspuée et détestée par tous (ou presque) l’année suivante avec cette défaite en final face à UNC sur une faute technique de Chris Webber. “Ils n’ont rien gagné”  jugera sèchement Bob Knight (coach légendaire de l'Universitée d'Indiana).

 

Des vraies larmes en conférence de presse

Justement, des 5 joueurs, Juwan sera le seul à gagner des titres – à force de patience – Il joue en NBA jusqu’à l’âge de 39 ans quand il obtient la première de ses deux bagues. Dans ses premiers mots comme entraîneur, on devine la même volonté d’aboutir et de conclure son histoire avec Michigan. Il vient ici pour gagner les titres promis en 92 et 93.

“Il est concret et vrai” annonce Isaiah Livers, “on sent qu’il est réel quand il nous parle”. On voit déjà un respect profond de la part du joueur. “Je l’avais déjà rencontré. Je sais quel genre de personne c’est. Il est sérieux, il sait ce qu’il fait. Il a une grande expérience”.

Howard a toujours été à part dans le Fab 5. Ses parents étant trop jeunes pour s’occuper de lui, il a été élevé et influencé par Jamie Mae Howard, sa grand-mère avec qui il apprend les valeurs de la discipline, de l’engagement et du respect. Sa vie -avant la gloire- fut rude, ses premières nuits se passent dans un tiroir reconvertit en landau.

Sa grand-mère lui à fait promettre de finir ses études. Il respectera sa promesse en bossant le soir à l’hôtel pour obtenir son diplôme tout en commençant sa carrière en NBA avec les Bullets. Howard est sérieux et il tient ses promesses.

Forcément, il est difficile de ne pas aimer ce grand bonhomme à la voix douce et poignante. Il est convaincant, il est humain. Vous voulez croire en lui et sa réussite, malgré le challenge dantesque qui l’attend à Michigan.

 

Succéder à la légende

John Beilein est considéré comme le plus grand coach de l’histoire du programme. Sa réputation d’être au dessus de tout soupçons, son amour paternel pour ses joueurs, et surtout cette capacité à tirer le meilleur de ses joueurs en transformant par exemple Duncan Robinson un joueur de DII universitaire en joueur titulaire en NBA aux Miami Heats!

Beilein a reconstruit un programme, laissé en ruine pendant plus d’une décennie avec le départ de Steve Fisher en 1997. C’était à la suite de l’affaire Ed Martin, d’ailleurs Juwan n’a jamais été inquiété par celle-ci. Aujourd’hui, Michigan c’est l’un des programmes les plus importants du pays. En 12 ans, c’est 278 victoires, 8 apparitions en NCAA, deux finales four (2013, 2018), deux victoires en tournois du B1G (2017, 2018), et deux titres de champions en saison régulière (2012, 2014).

Le Directeur Athlétique Ward Manuel voulait de l’expérience pour le remplacer mais le départ tardif et précipité de Beilein a étrangement pavé le chemin pour Howard: Il n’y avait plus beaucoup de choix disponible sur le marché.

Surtout que Juwan ne correspondait pas au profil à l’origine recherché par Manuel: “Michigan est l'un des 10 meilleurs programmes, nous cherchons quelqu’un qui peut  maintenir ce niveau de succès; un entraîneur qui a fait ses preuves”.

 

Il devra faire ses preuves

Howard ? Sa force c’est de toujours croire en lui. Ses anciens partenaires sont convaincus  de son succès à venir. Il a ainsi reçu l’approbation publique de Lebron James et Dwayne Wade! Ward a aussi vu un homme qui avait de nombreuses propositions en NBA, ce qui n’arrive jamais sans raison.

Howard n’a été qu’un assistant, à l’opposé de John Beilein qui n’a jamais été un assistant. Forcément son manque d’expérience pose question et ouvre le doute quant à sa réussite. “Avant il faisait des propositions, aujourd’hui il va devoir prendre des décisions” conclut John U. Bacon sur la radio public national. La composition future de son staff répond au mot du journaliste Mitch Albom : “il veut apprendre, et démontre une grande modestie car il reconnaît toujours quand il a besoin d’aide”.

Les retours de ses entretiens d’embauche avec des équipes de NBA, rapportent un homme fort et confiant mais humble qui veut s’entourer d’anciens Head Coach pour apprendre le métier. Ce que l’on comprend de Juwan Howard en écoutant ceux qui le connaissent; il est un homme droit, respectueux, intelligent et discret.

Phil Martelli a confirmé cette impression sur le plateau du Missaneli Show : “c’est un type exceptionnel, il est humble, il l'aime cette école. Je lui ai dit (Au téléphone) vos larmes en conférence sont vraies, vous êtes humain”. Howard l’a convaincu en une conversation du projet. Martelli est devenu son bras droit en apportant 20 ans d’expérience en tant que Head Coach à St Joseph University.

Avec Saddi Washington, ils doivent lui apprendre les tenants et les aboutissants du Basket Universitaire. C’est un univers scolaire, très différent de la NBA, ou l’athlète est avant tout un étudiant. Le recrutement sera aussi regardé avec attention. Cette année, l’équipe s’est bien dépeuplée avec 3 joueurs majeurs partants (Iggy Bradzeikis, Jordan Poole et Charles Matthews) et pour l’instant qu’une seule recrue: Cole Bajema.

Le seul point noir de l’époque Beilein : Les difficultés permanentes pour convaincre les meilleurs joueurs du pays. Les résultats exceptionnels n’ont jamais aidé le recrutement à passer au niveau supérieur. Ce qui aurait permis à Michigan d’être compétitif plus régulièrement. Jalen Wilson aurait dû être la première recrue 5 étoiles, depuis Dion Harris en 2002 et Glen Robinsson III en 2012, mais il a rompu son engagement à la suite du départ de John Beilein.

 

Le recrutement, challenge parmi les challenges

C’est impossible de savoir si Juwan Howard aura vraiment un impact flagrant, mais pas irréaliste d’avoir confiance. Il y a définitivement une mode Howard et ça apporte beaucoup de fraicheur au programme. Jon Teske, le vice capitaine est sous le charme “On sent que c’est un super coach et je suis impatient de jouer pour lui. On joue au même poste, je suis sûr qu’il va beaucoup m’apprendre”.

Adrien Nunez, joueur à Michigan, confirme “c’est Juwan Howard, il a joué avec Lebron, forcément c’est excitant pour une recrue”. Même son de cloche avec Livers : “si j'étais une recrue? Il aurait définitivement mon attention.Toutes les recrues écoutent un mec qui vient de la NBA, car c’est là que tu veux aller”.

Cole Bajema a rapidement confirmé son engagement avec Michigan après la nomination du nouveau coach. “Je suis super excité que ce soit Juwan Howard le nouveau Head Coach. Je crois qu’il va maintenir la grande tradition qu’est Michigan Basketball”. Son père confesse au Michigan Daily, “ils ont choisi quelqu’un qui porte en lui l’héritage, pas uniquement celui de Beilein, mais l’héritage de l’Université du Michigan”.

Pour la classe 2020, Juwan a déjà offert une bourse au très convoité Joshua Christopher. Sa réponse sur Twitter donne de l’espoir : “Béni d’avoir reçu une offre de Coach Howard et de Michigan”. Rien n’est fait, mais il semblerait qu’Ann Arbor pourrait finalement voir une recrue 5 étoiles sur son Campus …

 

Il veut "choquer le monde"

Les enfants d’Howard jouent en AUU Ball, il a donc un accès direct aux autres joueurs et leurs parents, il est aussi en position pour comprendre les familles des recrues. Et c’est important quand tu dois t'asseoir dans leur salon. Martelli l’a dit, le plus important pour convaincre une famille c’est d’être “humain et connecté”.

Juwan partage aussi une culture et un milieu social souvent commun aux joueurs les plus talentueux et pourtant si rare chez les Head Coach en NCAA et surtout en B1G. C’est avec ce lien que Howard avait convaincu Chris Webber et Jalen Rose de joindre Michigan en 1991. A la même époque, Coach Fisher avait nommé Perry Watson assistant pour rassurer les recrues : vous ne serez pas seuls à Ann Arbor.

On devrait rapidement savoir si l’effet Juwan Howard est réel, les changements de règles pour les transferts ont chamboulé le marché cette année – Il y a définitivement des joueurs de qualité à convaincre. L’équipe en a vraiment besoin pour éviter une saison de transition morne ce qui poserait d’injuste question sa capacité à faire gagner Michigan.

John Beilein va manquer à tout Ann Arbor, mais il est temps de fermer ce chapitre et d’en ouvrir un autre. Est ce que Juwan Howard va réussir? Personne ne le sait. Lui en est convaincu, il veut “choquer le monde”. Comme il l'avait annoncé a ses co-equipiers avant son premier match en tant que joueur dans le fameux tunnel Baldwin.