En 2020, le travail des scouts et évaluateurs de talents a été largement perturbé par la pandémie de Covid-19. Le championnat NCAA a été interrompu prématurément mais à des niveaux plus jeunes ce sont aussi plusieurs événements réunissant des talents venus du monde entier qui n'ont pas pu se tenir. L'un des plus importants s'appelle le Basketball Without Borders (BWB). Deni Avdija, Killian Hayes, Aleksej Pokusevski : les trois prospects internationaux choisis les plus hauts à la draft en 2020 sont passés par le BWB. Quid du futur de ces camps indispensables ou presque au repérage des talents du basket dans le monde ?

Interview avec un des responsables de leur organisation : Chris Ebersole, directeur principale des opérations internationales de la NBA.

ENVERGURE : Chris, merci de nous accorder quelques minutes, rentrons dans le vif du sujet, est-ce que les camps BWB auront lieu en 2021 ?

On espère qu'on pourra revenir avec des camps "in person" ("en présentiel") en 2021 après avoir annulé nos camps en 2020. Mais ce sont des événements qui impliquent énormément de voyages internationaux, on doit faire venir des joueurs à un seul endroit depuis plusieurs pays, c'est un challenge considérable. Autant nous aimerions revenir dès que possible, autant la priorité doit rester la sécurité et la santé des participants aux camps et leurs familles. Nous passons énormément de temps à échanger avec nos experts au niveau de la santé, qu'ils travaillent pour la NBA ou en externe, nous prenons nos décisions en fonction de leurs conseils. Avec un peu de chance, on y arrivera, on essaie aussi de penser l'événement de manière créative. La NBA a prouvé qu'elle savait innover, avec la Bubble, des événements virtuels... En tout cas c'est clair qu'on veut revenir vite, "ça nous manque beaucoup" (en français dans le texte).

E : Vous avez une deadline, une date à laquelle la décision ou non d'organiser les camps sera prise ?

Nous n'avons pas de deadline à l'heure qu'il est en ce qui concerne la décision d'organiser les camps ou non. Elle sera prise plusieurs mois avant l'été, ça c'est certain, pour se laisser le temps d'organiser ces événements. Nous espérons évidemment que cela va se décanter dans les mois à venir, on va suivre le développement de la situation, on va acter le moment où les BWB pourront revenir, on va pouvoir imaginer à quoi cela pourra ressembler. Mais l'espoir qu'on a aujourd'hui c'est de pouvoir revenir avec des camps BWB "in person" dès l'été 2021, on croise les doigts.

Env : Pouvez-vous expliquer aux personnes qui ne connaissent pas le Basketball Without Borders son importance ?

Le BWB c'est le vaisseau-amiral du développement de jeunes basketteurs d'élite à l'international, un programme d'un importance immense pour la NBA. Le BWB c'est bien souvent la première occasion pour les équipes NBA de voir, d'évaluer et de rencontrer ces joueurs. La façon dont ça se passe : nous organisons un camp BWB sur chaque continent durant l'été, puis durant le All-Star Break, nous prenons les meilleurs de chaque continent et organisons un camp "global". Six joueurs draftés en 2020 sont passés par nos camps, en tout 75 joueurs ayant signé avec des équipes NBA depuis 2001. Luc M'Bah A Moute, Marc Gasol, Danilo Gallinari pour les "anciens", plus récemment Joël Embiid, Pascal Siakam, ou encore Sekou Doumbouya l'année dernière.

Env : On voit se développer plusieurs équipes en Europe qui se structurent pour être des environnements de développement des jeunes joueurs, dans le but notamment d'attirer des prospects. Ulm (l'équipe de Hayes) débute en Allemagne, on a aussi le KK Mega Bemax en Serbie, êtes-vous en contact avec ces équipes ?

Chris Ebersole : Absolument, on est en contact toute l'année avec de nombreux clubs européens. Leur rôle du point de vue de notre programme, Basketball Without Borders, est absolument essentiel. On ne pourrait pas avoir eu le succès qu'on a eu sans la collaboration des clubs professionnels, des fédérations aussi. Ce qui est clair c'est que de nombreux clubs aujourd'hui ont pour objectif non seulement de "trouver" des jeunes talentueux, de les signer, mais veulent aussi investir dans leur développement. C'est quelque chose qui revient de plus en plus ces dernières années. Killian (Hayes) est un bon exemple de joueur qui est allé dans une situation où tout était organisé pour qu'il réussisse. Il avait le ballon dans les mains, il pouvait apprendre de ses erreurs, se concentrer sur son développement en tant que prospect. Je pense qu'il en a tiré les bénéfices sur le chemin de la draft.

Il existe un programme dans la NBL (championnat d'Océanie) dédié au développement des jeunes joueurs (le "Next Stars Program" permet à des jeunes de signer des contrats en NBL, d'être intégrés à une équipe avec l'objectif de se présenter à la draft à la fin de l'année comme RJ Hampton et LaMelo Ball. Il permet aussi à des joueurs draftés de signer des contrats de développement en draft and stash comme le Brésilien Didi Louzada). Est-ce que ce système pourrait être étendu à d'autres ligues ?

Le Next Starts Program est vraiment une initiative de la NBL elle-même. Il s'agit-là de la dernière année avant la draft. Mais pour nous, du point de vue de la NBA, on essaie de mettre en place un système en amont, quelque chose de pyramidal. À la base, on a le programme "Junior NBA", on essaie de réunir le plus de jeunes possible pour leur mettre un ballon de basket entre les mains. Ensuite on remonte la pyramide, avec la NBA Academy, le Basketball Without Borders, pour les adolescents, et désormais on investit dans la G-League avec la Ignite Team où nous aurons deux joueurs internationaux l'an prochain (trois en vérité : Kai Sotto, Princepal Singh, Jonathan Kuminga). On regarde l'ensemble de la pyramide, le but c'est qu'un prospect, peu importe d'où il vient, doit avoir l'opportunité de se développer.

Justement, pour nous le continent du futur concernant le basket, c'est l'Afrique, pouvez-vous nous parler de la structure de base de la pyramide sur ce continent pour la NBA ?

L'Afrique est un continent très jeune et c'est un bon exemple de la structure qu'on essaie de créer. On voit que de nombreux joueurs originaires d'Afrique ont percé récemment : Embiid, Siakam, même Giannis qui a des racines au Nigeria. On veut s'assurer de notre présence sur place, le basket explose là-bas au niveau de la popularité. Il faut qu'on rencontre les joueurs assez jeunes pour les voir jouer, leur donner une structure de coaching, des ressources en développement pour qu'ils progressent. On a un réseau, on travaille avec les fédérations, les coachs locaux, on a aussi des employés sur place, tout ça pour repérer les plus hauts potentiels et ne passer à côté de personne. On va les diriger, pour les meilleurs, vers le Basketball Without Borders. Mais on a aussi notre NBA Academy au Sénégal, on a la capacité de les suivre tout au long de l'année, ça nous donne un impact durable. Et puis, avec l'arrivée prochaine de la Basketball Africa League, on a la structure entière, la pyramide de la base, le repérage, puis l'élite de la formation, puis le sommet : les pros. Avant, quand vous étiez un prospect talentueux en Afrique, le but c'était de partir en Europe ou aux Etats-Unis le plus tôt possible. Maintenant ils peuvent rester, c'est très important pour nous.