Si Jabari Smith est le meilleur prospect d'Auburn cette année et un candidat destiné au Top 3 en Juin 2022, je prendrais le risque de dire que Walker Kessler est le joueur le plus important de la meilleure équipe du pays. Cette affirmation peut faire sourire ou choquer, je le comprends bien. Cependant, si on prend une équipe comme Utah en NBA, il n'est pas choquant de dire que Donovan Mitchell en est le joueur avec le plus de potentiel en vue des playoffs, mais que Rudy Gobert en est l'élement le plus important, soirs après soirs. Je ne ferai aucune comparaison entre Walker Kessler et un joueur du calibre de Gobert, mais je pense que réfléchir de la sorte et essayer de comprendre la place centrale de Kessler dans le système d'Auburn amène à en faire un vrai prospect NBA. Pas simplement un bon joueur universitaire.

21 points, 9 rebounds, 4 blocks for projected first round pick Walker Kessler vs Oklahoma yesterday. Most interestingly, he went 2/4 for 3. If Kessler is hitting the 3-ball again like he did in high school, he's a different type of NBA prospect. Already an elite shot-blocker. pic.twitter.com/Psa9qWirVV

— Jonathan Givony (@DraftExpress) January 30, 2022

La première année NCAA de Walker Kessler n'a pas été simple. Intérieur extrêmement côté au lycée et joueur de l'année de l'état de Géorgie, Il avait rejoint les Tar Heels de North Carolina, bien connu depuis quelques années pour un spacing et une créativité offensive peu avancés. Trois des quatre plus gros temps de jeu de UNC l'an passé étaient des intérieurs (Bacot, Sharpe et Brooks), mais des intérieurs autres que Kessler, qui n'a joué que 254mins en 22 rencontres. C'était très peu, et même si quelques flashs étaient visibles (quasiment 11% de contres l'an passé), son utilisation n'était pas du tout réfléchie. Joueur qui pouvait tirer et parfois même s'écarter au lycée, il n'avait pris que 4 tirs à 3pts en 254mins à North Carolina, jouait beaucoup de post-up, n'était que très rarement le seul "non-shooter" sur le terrain et possédait de mauvais partenaires de Pick-&-Roll.

Avec la récente possibililité de transfert plus facile pour les étudiants-athlètes, Kessler a donc quitté Chapel Hill et les Tar Heels. Direction Auburn, l'Alabama, Bruce Pearl et le jeu ultra spectaculaire des Tigers. Membre d'une équipe avec beaucoup de transferts (K.D. Johnson en provenance de Georgia, Wendell Green d'Eastern Kentucky ou encore Zep Jasper de Charleston), Kessler joue cette année dans un système totalement différent, où tout le monde peut tirer, avec beaucoup de situations de Pick-&-Roll, avec du jeu up-tempo. Et la sélection de shoots du sophomore de 2m16 s'en ressent. Cette année, sur les 22 premiers matchs, Kessler est toujours un joueur qui vit proche du panier (quasiment 77% de ses shoots sont ainsi pris proches du panier ; pour une réussite assez incroyable de quasiment 80% au cercle), mais Kessler a déjà pris 33 tirs à 3pts et quasiment 20 tirs qualifiés de "mi-distance". On ne saura jamais si cette évolution aurait été visible à UNC, mais le joueur qu'on a cette année est un joueur qui joue plus (déjà 545mins cette saison en 22 matchs), qui finit les matchs et qui influence énormémement la manière dont Auburn défend quand il est sur le parquet.

Sans Walker Kessler, Auburn ne pourrait pas défendre de la sorte. J'irais même plus loin. Sans Walker Kessler, Auburn ne pourrait pas attaquer ni jouer de la sorte. Sans Walker Kessler, Bruce Pearl ne pourrait pas autant faire jouer ensemble des petits profils sur les extérieurs : si Johnson, Green, Flanigan et Jesper peuvent chacun jouer plus de 23mins par matchs, c'est car Kessler est là pour protéger le cercle et dissuader toutes tentatives de drive. Difficile de trouver toutes les statistiques avancées au niveau NCAA pour illustrer l'influence du sophomore sur le jeu d'Auburn, mais il suffit simplement de regarder les matchs pour voir la différence des minutes avec et sans Walker Kessler sur le parquet. Même si des joueurs comme K.D. Johnson (4.4% d'interceptions) ou Wendell Green JR (3.3% d'interceptions) sont de solides intercepteurs, ils sont souvent pris en défaut par les guards adverses, et Kessler possède un véritable rôle de pompier. Il doit venir contester énormément de shoots proches du panier, contenir bon nombre de pénétrations... Et il fait cela extrêmement bien, lit très bien les systèmes adverses et change pleinement la manière dont l'opposition exécute son système offensif. Seul Chet Holmgren, Christian Koloko et à moindre mesure Jalen Duren peuvent se targuer de cela cette saison en NCAA.

Not playing in Tuscaloosa is probably helping Walker Kessler stay on the floor, but this is the definition of disciplined shot blocking: pic.twitter.com/hRyNi15Ub6

— Jay Phillips ???? (@aubawn) February 2, 2022

Si l'on s'intéresse plus en détail à la manière dont Kessler protège le cercle, les statistiques avancées sont tout simplement incroyables depuis le début d'année. Sur la saison, Kessler possède un BLK% qui avoisine les 20%. En chiffre, cela donne 93 contres en 545mins. Et cela ne prend, évidemment, pas en compte toutes les dissuasions ni les trajectoires modifiées par les contestations de l'intérieur. C'est tout simplement prodigieux. Personne ne possède tel chiffre en NCAA depuis une dizaine d'années. L'intérieur impressionne par sa capacité à contrer des deux mains, à pouvoir dissuader avec la main opposée ou encore à pouvoir sauter rapidement sur petit périmètre. Cette motricité est très intéressante, surtout quand on parle d'un joueur de 2m16 pour 111kg. Mettre Walker Kessler aujourd'hui sur un terrain NBA, c'est d'abord lui demander de protéger le cercle, opérer sur de la couverture en drop et chasser les drives adverses : si une équipe NBA, peut à l'instar d'Auburn cette année avec Jabari Smith, l'épauler d'un très bon défenseur de 2ème rideau, la protection de cercle de cette équipe peut être, à terme, très impressionnante.

Look at Walker Kessler and Jabari Smith’s defensive activity on this play. No surprise they lead a high level defense that leads the nation in blocks and both project as + defenders at the next level pic.twitter.com/aCAmYbubmS

— HoopsWill (@HoopsWill) January 29, 2022

En attaque, il faut faire preuve d'imagination et simplement parier sur le fait que Kessler va tirer. L'intérieur shoote à 6/33 cette année à 3pts (13/52 si on ajoute les tirs à mi-distance), il commence à prendre de plus en plus de tirs à 3pts, notamment en Pick-&-Pop. Si on prend les lancers-francs, Kessler est passé de temps 53% l'an passé (sur 41 tentatives) à 68% cette année (sur 47 tentatives). La mécanique n'est pas cassée, elle est très robotique, part trop sur le côté : rien de dramatique donc, mais impossible pour le moment d'être certain qu'il shootera très bien à l'étage supérieur. D'ailleurs, il n'a pas besoin d'être un joueur qui shoote si bien que cela. Tout est une histoire de volume. Un joueur comme Brook Lopez shoote à 34% à 3pts en 4 saisons aux Bucks, mais il en prend plus de 5 par matchs. Pareil pour Myles Turner, qui prend depuis 3 saisons plus de 4 tirs à 3pts par matchs à Indiana, pour une réussite autours des 33%. Si une équipe NBA arrive à faire shooter Kessler, avec une réussite aux alentours du milieu des 30%, on aura un joueur extrêmement rare. Il faut ajouter à cela la pose d'écran, un domaine où le natif de Géorgie excelle, et le jeu de passes, où de bons flashs sont visibles.

Here for the Jabari Smith show but looking forward to checking in on Auburn 7-footer Walker Kessler, who has been excellent over his last 5 games: 17.6 PTS, 8.8 REBS, and 4.2 BLK on 82% from 2. pic.twitter.com/DpJwUkcezT

— Mike Schmitz (@Mike_Schmitz) February 2, 2022

Je ne sais pas si Walker Kessler se présentera cette année à la Draft. Une année supplémentaire en NCAA pourrait lui permettre d'améliorer son tir extérieur et devenir une menace offensive plus importante. Mais, son profil est potentiellement si rare, que des franchises NBA devraient, selon moi, s'intéresser à lui dans la 2ème partie du 1er tour. Quelques mois en GLeague et du travail avec un spécialiste du tir pourraient en faire un des intérieurs les plus forts de cette cuvée 2022.