Invité du premier numéro de "Victor et les autres", notre émission mensuelle consacrée à a course au premier choix de draft 2023 et à Victor Wembanyama, le scout américain Rafael Barlowe, de NBA Big Boards, nous a confié ses réactions après avoir vu deux matchs des Metropolitans 94, et avant la double opposition du Français avec Scoot Henderson (G-League Ignite), prévue cette semaine aux USA.

 

Merci d'avoir accepté l'invitation. D'abord, assez généralement, ton ressenti global sur les performances de Victor Wembanyama ?

Il a complètement comblé mes attentes. Pour être tout à fait honnête, il les a même probablement dépassé. Il y a un mois, je pensais qu'il allait jouer environ 20 minutes par match, qu'il n'aurait pas une production extraordinaire, parce que c'est souvent le cas avec les prospects européens, vous n'en voyez quasiment aucun avec des stats folles. Et puis là, Victor pose deux matchs à 34 points (en amical, ndlr), il ouvre la saison avec 23 points, là je me suis dit "ok, ce mec va faire du chiffre". Le premier match que j'ai vu, c'est celui où il a eu des problèmes de fautes ( ggergegeegr) et puis le second match que j'ai vu (contre Le Portel) il a scoré 19 points. Dans l'ensemble donc, par rapport à ce que j'attendais il y a un mois, il a dépassé mes attentes.

 

On connait les qualités de Victor : long, avec des capacités techniques et une mobilité hors norme pour sa taille. Quel est le secteur de son jeu dont on ne parle pas assez ?

Le jeu de passe, clairement. Je crois qu'il a montré ça face à, euh, Le Portel, j'ai du mal avec les noms des équipes françaises, parfois elles en ont quatre ou cinq différents. Mais donc, dans ce match, la deuxième mi-temps, on a vu de belles lectures de jeu de sa part depuis le poste haut, des touch passes. On a presque l'impression qu'il avait plein de choses en magasin qu'il voulait montrer, mais à l'ASVEL il ne pouvait pas. Et là cette saison il montre ce qu'il sait faire. Et pourtant les attentes étaient hautes, il est projeté premier choix de draft depuis quasiment deux ans maintenant, mais là il montre un jeu de passes, des capacités techniques en général, que même ses plus grands fans doivent être heureux de voir. Moi, en tout cas, ça m'a surpris.

 

Donc tu penses que le choix de quitter l'ASVEL pour Bologne-Levallois était le bon ?

Tout à fait, c'était le bon choix. Il est plus près de chez lui, il a plus de liberté dans son jeu pour tenter des choses. L'ASVEL c'est hyper compétitif, ils jouent l'Euroleague, il n'y a pas beaucoup de temps pour se développer en tant que joueur quand vous jouez cette compétition, il faut gagner plusieurs fois par semaine. Avec les Metropolitans, bon, il veut gagner et l'équipe aussi, mais il a la liberté de faire des erreurs. Et ça se voit, dans l'attitude : il a toujours eu de la confinance, mais là c'est à un tout autre niveau. Juste cet aspect là, ça vaut le transfert de l'ASVEL vers les Metropolitans.

 

Tu parles évidemment avec beaucoup de scouts NBA pour alimenter ton site (NBA Big Board), quel est le ressenti général à propos de la course au premier choix de draft ? Est-ce que Victor est seul devant ? Est-ce que Scoot (Henderson) ou d'autres se mêlent à la lutte ?

Je pense que c'est Victor premier, avec une très bonne marge entre lui et Scoot. Mais ces deux là sont top 2, ils sont une classe au-dessus, ensuite c'est ouvert pour la place de numéro 3. Absolument toutes les personnes à qui j'ai parlé ont Wembanyama numéro 1, juste parce que nous n'avons jamais vu un joueur comme lui avant, quelqu'un de cette taille qui bouge comme ça. Son impact défensif pourrait presque suffire à le considérer comme un candidat au first pick, et là vous ajoutez son bagage offensif, la manière dont il l'a développé, ça va être très difficile pour Scoot de le dépasser. Et je vais même aller plus loin, pour moi le seul scénario où Scoot passe devant, c'est en cas d'inquiétude sur les blessures. C'est quelque chose qui est souvent mis sur le tapis avec les joueurs de cette taille.

 

On a l'exemple de Chet Holmgren, qui s'est récemment blessé. Ils ont un peu le même morphotype avec Victor, est-ce que les observateurs sont inquiets ?

Je ne pense pas, peut-être les fans, mais pas les pros. Je veux dire, la blessure de Chet c'est juste lui qui se blesse au pied, il n'a pas d'historique là-dessus, ce n'est pas comme si c'était le genou. Malheureusement, certaines personnes vont lier la blessure à la taille et le gabarit, et comme le corps de Chet ressemble à celui de Victor, ils vont en tirer des conclusions. Mais pour moi, la blessure de Chet elle aurait pu arriver à tout le monde.

 

Pour finir, tu as tweeté sur la qualité médiocre des vidéos des highlights de Victor, beaucoup de personnes en France sont d'accord avec toi. Est-ce qu'il existe un sentiment aux USA que nous, Français, on est en train de se ridiculiser avec ces manques dans la communication, le marketing ?

Je pense déjà que la manière dont la salle est faite, c'est difficile d'avoir un bon angle de vue. Ensuite, les highlights ressortent toujours un peu sombres, quand tu veux sortir des clips. Mais bon, je sais que ce n'est pas la même culture en France et aux USA. Si nous, aux États-Unis, on avait un Victor Wembanyama, ce serait impossible d'acheter une place pour voir ses matchs. Ici même les bons joueurs de high school (lycée) ils ont déjà plusieurs caméras collés à eux tout le temps, les États-Unis ont masterisé le marketing, le fait d'améliorer l'exposition, de valoriser une marque. D'ailleurs parfois ça en devient négatif, on a des gamins de 14 ou 15 ans qui sont tellement exposés qu'ils pensent que ça y est, c'est bon, ils ont déjà réussi. Mais bon, pour revenir à Victor, c'est vrai que la qualité vidéo n'est pas optimale, surtout pour un talent générationnel comme lui.