La hype commençant, les experts de tous bords se perdant en conjectures et analyses -solides ou fantaisistes- sur la valeur supposée des deux prospects Français, il était temps pour nous de participer au grand débat. Après un joyeux « slip ou caleçon ? » et avant un triste « Macron ou Le Pen ? », lançons le « Hayes ou Maledon ? », avec un point de vue totalement partial, bien entendu.

 

L'expérience ? Avantage (léger) à Maledon

Sous les spotlights depuis leur premier CE, le Villeurbannais et l’ex-Choletais ont eu des trajectoires très différentes.

Vite responsabilisé et mis sur le terrain par Zvezdan Mitrovic, Théo Maledon a eu une maturation accélérée ces dernières année. Passant de 9 apparitions en championnat avec JD Jackson puis TJ Parker en 2017-18, à 42 + 18 matches d’Eurocup l’année suivante, avant sa récente blessure à l’épaule -la troisième cette année, on y revient-.

Killian Hayes, contrairement à son homologue, à toujours joué « chez lui », à Cholet, soulevant sur ce point des interrogations chez les scouts quant à sa capacité à sortir de sa zone de confort. Lancé sous Philippe Hervé, avec 9 apparitions en 2017-18, pendant une saison chaotique, il a connu le chaud et le froid ensuite avec Régis Boissié puis Erman Kunter. La saison 2018-19, compliquée pour Cholet, a été parfois difficile pour Killian, pas toujours ni mis en valeur, ni en possibilité de pouvoir l’être.

D’un côté, Maledon a connu l’expérience de travailler sous les ordres d’un coach étranger, non-francophone et de participer à des compétitions européennes régulièrement avec son club, ainsi que de participer aux playoffs et à la Leaders Cup. De l’autre, Hayes, jusqu’à son départ pour Ulm, n’a connu que la Jeep Elite, avec des entraîneurs du cru -Erman Kunter étant parfaitement francophone et rompu aux usages du basket francais-, sans matches européens ni playoffs.

Avantage Maledon ? Oui. Jusqu’à cette saison. Hayes a fait un grand bon en avant, en rejoignant Ulm, qui évolue dans une ligue compétitive comptant plusieurs équipes d’Euroleague, et jouant l’Eurocup. Si la 2e coupe d’Europe est moins relevée, Killian reste un des éléments clés de son équipe. Il a prouvé, en partant à l’étranger, qu’il pouvait rapidement s’y adapter, en sortant de sa zone de confort donc. Ceci, pour nous, rééquilibre grandement la balance, et son statut d’étranger va le faire évoluer un peu plus vite.

L'instinct d'un côté, la solidité de l'autre

Sur le plan physique, les morphotypes sont très différents. Les deux joueurs sont sur des standards de taille intéressants pour leur poste de jeu (1.96 pour Hayes, 1.92 pour Maledon). Théo Maledon était un peu plus large, plus au sol aussi, mais également beaucoup moins agile que Killian Hayes. Plus long, plus « élastique », le Choletais est également beaucoup plus mobile et actif au sol, notamment dans les aspects défensifs. Il a évolué physiquement et est aujourd’hui plus épais que son camarade. Les récents soucis physiques de Maledon (entorse en PO, 3 blessures cumulées aux deux épaules) questionnent. Injury prone ? 

Sur le plan défensif, Théo Maledon est régulièrement en souffrance sur les pick and rolls. Anticipant mal, notamment à cause de son manque de vitesse de pied, il est régulièrement touché par les écrans et ciblé par ses adversaires. Ajoutez cela à ses blessures aux épaules, et voyez venir le raisonnement sur sa capacité à défendre les pick and rolls à très haut niveau. Off the ball, il compense plutôt bien grâce à son QI basket, mais est également en difficulté sur les écrans non-porteur.

Hayes a évolué et développé un footwork lui permettant d’être plus à l’aise face au pick and roll. Comme cela a été dit plus haut, il est également plus agile et plus réactif. Il était très régulièrement touché et ralenti la saison dernière, il semble avoir grandement avancé sur le sujet. Il y a cependant encore du travail pour tout ce qu’il va se passer à l’opposé ou dans les aides.

La défense sur porteur de balle est cohérente pour les deux, même si la longueur et le dynamisme de Hayes, pourtant moins dur que son homologue, lui permettent de voler la balle et se projeter vers l’avant plus rapidement.

Offensivement, Hayes est un attaquant naturel. Gaucher, il affectionne particulièrement les situation de pull up (à 3, et mi-distance au niveau de l’elbow, après pick and roll). Il est moins à l’aise sur catch & shoot de loin, mais sa mécanique semble avoir évolué. Capable de driver et de finir avec de l’amplitude, il va encore trop sur sa main gauche, et alterne peu. En difficulté pour gérer les contacts, il peine également parfois à franchir totalement son défenseur. À signaler, un toucher de balle très intéressant près du cercle. Capable de créer, pour lui comme pour les autres, il doit encore apprendre à se discipliner dans l’utilisation des espaces.

Maledon est un excellent exécutant sur le poste 1. Plutôt dans un profil pass-first au départ, intelligent, il est moins talentueux naturellement mais tout aussi capable de scorer parfois (86 tirs à 3 tentés en 43 matches de saison régulière l’an dernier) de près comme de loin. Il a eu quelques coups de chaud sur la saison, mais rien de très constant. Joueur d’une équipe plus dense, il a naturellement été moins responsabilisé que KIllian, mais a également montré des limites en playoffs, surement en partie à cause du calendrier, et du fait qu’il soit plus ciblé par les adversaires.

Quid de la potentialité ?

À juste titre, nombreux sont ceux qui ont vu Théo Maledon, doté d’une éthique de travail solide et irréprochable, comme Lottery Pick, et drafté plus haut que son camarade. Pour nous, il rentre dans un profil low risk-low reward, et son draft stock devrait quelque peu se tasser pour se situer entre 10 et 20. Un scénario 12/15, comme Seiko Doumbouya, semble raisonnable. Les raisons ? On les évoque plus haut. Physique d’abord, car entre les blessures aux épaules, et une lenteur au niveau des appuis, on a deux red flags importants. Défensive ensuite, puisqu’en lien avec sa latéralité et sa vitesse d’appuis, les soucis posés sur pick and roll et écrans non-porteurs sont, pour l’instant, de vrai problèmes. Sa capacité à faire jouer et sa maturité peuvent cependant     grandement rassurer des GM, et lui permettre d’avoir des minutes et un rôle à jouer pour une franchise qui le drafterait. Sa capacité à travailler et son expérience déjà solide des matches professionnels, pour un joueur de son âge, font qu’il est naturellement en avance, à son poste, sur bon nombre de ses concurrents potentiels

Killian Hayes, pour nous, a un draft stock équivalent, mais peut-être un plafond plus élevé. Son jeu pourrait aussi plus facilement correspondre à celui de la NBA. Il a moins d’expérience que Malédon au niveau des coupes européennes, mais a finalement franchi un cap en décidant de partir à l’étranger pour être responsabilisé. Plus athlétique, et peut-être plus « tueur » que l’autre dans son approche du basket, il a également plus d’instinct. On serait plus sur un scénario low risk-medium reward le concernant. Son profil correspondrait plus à une équipe de l’Ouest. Enfin, sa double culture est un avantage non-négligeable, que ce soit dans l’adaptation, la communication, ou la capacité à comprendre les attentes du business NBA.

En conclusion, nous essayons, comme souvent, de couper les cheveux en quatre, avec deux prospects comme le basket français en a rarement connu. D’un côté l’éthique de travail, le sérieux, et un joueur plutôt discret dans son attitude. De l’autre, un joueur à la double culture, talentueux, qui a besoin de gagner en dureté physique, mais que pas grand chose n’effraie. Sur le long terme, on se risquera à penser que Killian Hayes a un plafond plus élevé, et qu’il ira peut-être un peu plus loin.