La Draft 2020 n’a pas encore de date définie, mais les spéculations sur le potentiel des joueurs s’étant déclarés ne cessent de grandir. Dernièrement, c’est le français Killian Hayes qui fait parler de lui dans la presse américaine. L’équipe d’Envergure a pu accueillir sur le podcast deux personnes importantes dans son développement durant la saison écoulée, du côté de son club allemand de Ratiopharm Ulm. Morceaux choisis.

 

Les invités de ce podcast : son coach, Jaka Lakovic, vainqueur de l’Euroleague 2010, notamment passé par le Barça pendant 5 ans, le Panathinaïkos et Galatasaray. Et Will Bynum, meneur chicagoan passé par l’université d’Arizona et Georgia Tech avant de rejoindre l’Europe dans un premier temps puis les Pistons pendant 6 saisons. Aujourd’hui, il s’occupe de la pépite française dans sa préparation au grand saut vers la NBA.

Hayes : pick'n roll master ?

Une des principales forces de Hayes est son jeu sur Pick and Roll, une situation que le meneur de jeu utilise pour créer une séparation avec son défenseur et trouver des positions de shoot à mi-distance à l’entrée de la raquette ou à trois point. Son coach souligne au début du podcast que cette qualité à créer pour lui-même, mais aussi à s’adapter à son “nouveau” poste de meneur distributeur, a été un avantage pour le club allemand, qui pouvait ainsi développer un jeu se basant essentiellement sur l’open court et le PnR.

Une grande partie de notre playbook repose sur le pick and roll et le jeu de transition, nous voulions que Kilian utilise cette capacité à jouer en transition et sur le pick and roll

Sur le PnR tête de raquette Hayes est déjà dangereux lorsque qu’il joue de la droite vers la gauche, avec cette capacité à s’arrêter en tête de raquette pour pull up ou utiliser son floater si l’intérieur adverse l’attend un peu plus bas. Mais il est aussi capable d’aller finir au cercle, utilisant ses long bras pour protéger le ballon, le plus souvent sur la gauche. Jaka le rappelle : “depuis le début nous lui avons demandé de jouer meneur de jeu et ca n’a pas été un problème pour lui, il a pu jouer à la mène et créer pour les autres dès le début. Il était obsédé par le scoring, mais il a dû faire la transition de scoreur à créateur”. Et cette capacité à distribuer le jeu, le franco-américain en a fait profiter les shooteurs de son équipe (5,3 ass/m), avec une capacité à étirer les défenses pour trouver les shooteurs dans le corner opposé après PnR. Mais cette création n’est pas toujours maîtrisée, à plusieurs reprises on peut le voir tenter des passes à une main au-dessus de la tête qui n’arrivent pas dans les mains des shooteurs. On observe aussi une propension à passer la balle dès qu’il est orienté vers la droite sur PnR, un signe de manque de confiance en sa main faible ?

Au cours de l’émission le coach slovène souligne que la capacité de son joueur à jouer le PnR sera magnifiée une fois l’Atlantique traversée : “Je pense que le Pick and Roll sera une de ses forces en NBA, la création sur ces situations est plus facile qu’en Europe : règle des 3 secondes en défense, une défense moins agressive sur PnR et pas de hedging”. On peut observer sur ses matchs que les adversaires ont tendance à “hard hedger” le PnR des Allemands provoquant quelques pertes de balle du meneur. Mais l’ancien Choletais possède un physique qui lui permettra de briller, avec un corps qui se développe encore et un gros travail de renforcement, il aura les armes pour briller sur le jeu open court américain.

Défenseur sous-coté ?

Hayes peut compter sur les conseils défensifs de son coach personnel, reconnu en NBA et ayant grandi aux côtés d’un autre maître en la matière, Tony Allen. Celui-ci s’est dit impressionné par les qualités défensives du meneur qui, selon lui, défend bien naturellement.

J’ai grandi avec Tony Allen, qui est l’un de mes meilleur ami, donc l’aspect défensif du basket c’est ce que j’ai dû maîtriser pour y arriver. J’ai l’habitude de jouer des un-contre-un avec ceux que j'entraîne et Kilian arrivait à me contenir, sans vraiment forcer.

Les capacités physiques de Hayes devraient lui permettre d’être un bon défenseur une fois installé dans la league : un bon jeu de jambes, sa vitesse latérale et sa vitesse de mains. Il s’agit désormais “de faire ses devoirs” et d’analyser le jeu de ses adversaires. Il doit pouvoir  détecter les subtilités des attaques auxquelles il fera face, et se concentrer comment défendre sur les staggers et les subtilités de la défense, par exemple de l’utilisation des mains face à un post-up.

Avant d’affronter quelqu’un il aura un scouting report, mais il doit être capable de rentrer chez lui et l’étudier. Par exemple, si je joue Ja Morant je dois savoir qu’il aime sortir du pick avec sa main droite donc je dois toujours l’orienter à gauche.

En l’observant jouer, on s’aperçoit tout de même qu’il reste du travail, notamment sur la défense de PnR où il a du mal à passer le poseur d’écran et laisse beaucoup d’espace à l’attaquant une fois pris dans l’écran. On peut aussi voir un bon travail d’appuis pour suivre le meneur adverse. Un autre problème qui pourrait l’handicaper s’il ne gagne pas en puissance est son incapacité à bloquer l’adversaire une fois lancé. Malgré un travail d’encadrement des appuis ou de déplacement latéral, il n’arrive pas encore à arrêter les adultes qui l’attaquent directement.

Une expérience à l'étranger : preuve qu'il sait s'adapter

Son coach note une vraie progression sur l’année, validant le pari que le joueur et son entourage avaient pris de quitter la France et participer à une coupe d’Europe. Arriver seul dans un nouveau pays dont on ne parle pas la langue, s’intégrer dans une nouvelle équipe n’est pas chose aisé, mais le jeune homme a réussi à devenir le meneur titulaire de l’équipe dès le début, propulsé par la blessure de l’autre meneur. Il souligne une capacité à supporter la pression immédiatement : Nous ne pouvions pas attendre qu’il s’adapte, il a été jeté dans le grand bain dès le début. Et de souligner qu’il a su évoluer en supportant un niveau d’exigence élevé de son coach aux entrainements comme en match.

On note aussi une progression dans le leadership de Hayes, arrivé à 18 ans et qui a su devenir “un leader, endosser ce rôle et communiquer, être un général sur le terrain”. Un grand progrès pour un jeune joueur qui n’était pas forcément le plus vocal à son arrivée en Allemagne et qui devrait lui servir dans la prochaine étape de sa carrière. En plus de son rôle de leader, il a dû apprendre à mieux gérer les possessions et améliorer ses points faibles, notamment son shoot en spot up et une main droite qui peut encore lui jouer des tours. Celui-ci a su progresser sur cet aspect du jeu de meneur, répondre à la pression défensive à laquelle il faisait face, allant jusqu’à impressionner les coaches adverses et les observateurs.

“J’ai eu des feedback d’autres coaches ou d’amis qui sont maintenant scouts, qui m’ont confirmé l’impression que j’avais qu’il pouvait bien supporter la pression” 

Alors que ces deux premiers mois ont été plutôt difficiles sur le plan de la gestion du ballon, une réelle évolution s'est fait sentir sur le reste de la saison : entre septembre et novembre Kilian Hayes tournait à 4,06 to/m (16 matchs) et a réussi à descendre à 2,73 to/m (15 matchs) sur le reste de la saison, finissant à 3.2 to/m sur l’ensemble de la saison. Un chiffre acceptable pour un meneur avec un USG% supérieur à 24 ?

Jaka Lakovic et Will Bynum nous ont confirmé que toutes les qualités que l'on pouvait trouver à Killian Hayes : vu comme un joueur ayant une capacité d’apprentissage au-dessus de la moyenne, répondant positivement à la pression et avec un physique en développement qui lui permettra de continuer à s’améliorer une fois le passage en NBA effectué. On note aussi un QI basket élevé et une éthique de travail déjà installée, fruit de son passage dans le monde professionnel relativement rapide.

 

Retrouvez l'intervention de coach Lokovic et de l'ancien Piston Will Bynum sur le site de l'équipe Envergure et les différentes plateformes de podcast.