Ces dernières semaines, d’anciens pensionnaires de Kentucky ont fleuri et fleurissent encore dans la bulle d’Orlando : Jamal Murray, Tyler Herro et même Devin Booker ont ainsi tous passé un cap et sont devenus de forts attaquants en NBA. Ces joueurs n’ont pas du tout le même rôle en NBA qu’en NCAA, ils sont plus proches du cuir et ont pu profiter d’une utilisation différente lors de leur arrivée dans le monde professionnel. Après Booker, Murray et Herro, Tyrese Maxey pourrait suivre un destin similaire : l’extérieur de Kentucky arrive à la Draft après une année en demi-teinte, mais avec pour lui un profil de joueur qu’on voit réussir en NBA depuis quelques temps.

Trois joueurs de John Calipari ont donc été sélectionnés en lottery depuis 2015, le tout en ayant un rôle secondaire en NCAA, loin du ballon, hors de la création collective. On se rappelle que Devin Booker sortait du banc en 2014-2015, qu’il était un simple spot-up shooter (49% de ses tirs étaient pris à 3pts) et qu’il n’avait aucune responsabilités de création balle en main (11% de passes décisives quand il était sur le terrain). Quant à Jamal Murray, il jouait aux côtés de Tyler Ulis en tant qu’arrière scoreur : il ne faisait que 12% de passes décisives quand il était sur le terrain, jouait peu de pick-and-roll, l’inverse de ce qui se passe désormais à Denver. Enfin l’année passée, Tyler Herro n’était pas l’initiateur principal de l’attaque (Ashton Hagans ou P.J. Washington l’étaient plus selon moi), il shootait dans les coins et à mi-distance (il faisait déjà preuve d’un toucher élite), avec des petits flashs balle en main. On est loin du joueur qui domine sur pick-and-roll avec Miami durant les playoffs 2020.

Selon Mike Schmidt, Tyler Herro n’avait joué que 25 possessions de pick-and-roll en 37 matchs NCAA, alors que depuis le début des playoffs, il excelle sur ce type d’actions, autant au scoring qu’à la passe. Comme John Calipari ne met pas ces joueurs dans des types de situations qu’on pourrait retrouver en NBA, il faut tenir compte des quelques flashs proposés et en faire une projection globale. D’ailleurs, Devin Booker (13ème en 2015 par les Suns) et Herro (13ème en 2019 par Miami) sont sortis du Top 10, ce qui peut signifier que l’échantillon de leur saison NCAA n’était pas suffisant pour rassurer des franchises sur la projection dans un certain rôle voulu. 

Tyrese Maxey me paraissant un joueur intriguant de cette cuvée, il me semble intéressant de le comparer statistiquement avec ces trois prédécesseurs. Surtout que Booker, Murray et Herro ont comme lui fait seulement une saison du côté de Lexington. Comme eux, Maxey possédait un rôle secondaire dans l’attaque : il jouait dans un backcourt à 3 petits (avec Hagans et Quickley), il était le 2ème initiateur de l’équipe et surtout un joueur qui jouait loin du cuir. Ses 19% de passes décisives sont supérieurs à Murray et Booker en NCAA, ce qui montre une implication plus grande que ces derniers dans la création collective (où d'une meilleure réussite extérieure de ses coéquipiers). Le profil statistique de Maxey en fait un joueur sûr balle en main, qui perd peu de ballons et prend souvent les bonnes décisions : si ce n’est pas une aptitude qui fait rêver, elle n’en reste pas moins essentielle pour un joueur, qui sera amené à tenir le ballon à l’étage supérieur. Son ratio passes décisives/pertes de balles est en effet très bon : il est d’1.4 (99 passes décisives pour 67 pertes de balles), un chiffre fort pour un jeune joueur en SEC. A titre de comparaison, le ratio de Devin Booker était d’1.1, celui de Murray d’0.94 (donc négatif, il perdait plus de ballons qu’il ne faisait de passes décisives) et celui d’Herro d’1.5. Maxey a montré qu’il pouvait prendre des décisions balle en mains, qu’il possédait des bases d’appréhension d’un pick-and-roll, des aptitudes clés dans la NBA moderne.

Le profil statistique de Maxey au tir est par contre moins impressionnant que ces trois prédécesseurs : il tournait à moins de 30% à 3pts, alors que les trois autres étaient tous à plus de 35% (Murray et Booker étaient même à plus de 40% sur leur année NCAA). En outre, le volume de tirs à 3pts de Maxey est bien plus faible, ce qui peut témoigner d’un joueur, qui possède au même âge un tir extérieur moins fort que Booker, Murray et Herro. Il faut tout de même mettre en avant son pourcentage aux lancers-francs (83% sur 120 tentatives), avec une belle mécanique. De plus, le texan est allé sur la ligne bien plus que ses trois alumni : son Free Throw Attempt Rate (FTAR) était de 34%, tandis qu’aucun des trois autres n’en avaient un dépassant les 30%. Maxey est donc un joueur, qui provoque plus de fautes, qui a peut être moins besoin de son adresse pour peser dans le scoring. Son tir est une question, mais des indices statistiques et visuels peuvent faire penser qu’il shootera en NBA : je trouve son pull-up à 2pts et son jeu sur flotter intéressant, ce qui me donne confiance en son toucher.

L’analogie avec Shai Gilgeous-Alexander n’est pas abordée mais peut aussi être intéressante. Contrairement à Booker, Murray, Herro et donc Maxey, le canadien avait eu les clés de l’attaque de Kentucky durant la saison 2017-2018, surtout durant les matchs de conférences. Calipari l’avait installé dans le cinq de départ et à la mène, avec pour résultat une grande implication balle en main : durant les matchs SEC, Gilgeous-Alexander faisait 30% des passes décisives lorsqu’il était sur le parquet, le tout avec un USG qui frôlait les 23%. Le joueur du Thunder avait donc eu la balle mais possédait d’autres questions dans son jeu, notamment autour de son tir : il n’avait pris que 57 tirs à 3pts en 37 matchs NCAA, mais ses pourcentages aux tirs et aux lancers-francs étaient solides. Il fallait donc questionner le volume face à la réussite statistique, tout comme pour Maxey, qui possède un très bon pourcentage aux lancers-francs.

Tyrese Maxey n’est pas Devin Booker, Jamal Murray ou Tyler Herro. Ce sont quatre joueurs différents, quatre joueurs, qui ont simplement pour point commun d’avoir été utilisés d’une manière différente en NCAA qu’en NBA. Pour les trois professionnels, c’est déjà le cas, ils jouent bien plus balle en main en NBA qu’en NCAA. Pour Maxey, tout porte à croire qu’il pourrait aussi connaître une évolution similaire. Si l’on tente de comparer ces joueurs au moment de la Draft, je dirais de Maxey qu’il est le moins fort shooter des quatre, un argument de vente essentiel de nos jours. Cependant, son profil statistique met en avant des qualités de création, une capacité à aller sur la ligne et un vrai toucher, des éléments qu’une franchise NBA pourrait développer pour en faire un vrai joueur de rotation.

Ne faites pas l’erreur une quatrième fois, ne faites pas confiance aux choix collectifs de John Calipari : ne laissez pas Tyrese Maxey descendre dans cette Draft.