Si vous suivez la NBA et le basket en général, le nom de Jalen Green vous dit sûrement quelque chose. Prospect médiatisé dont les actions spectaculaires tournent partout, le californien est l’un des joueurs les plus connus de la cuvée 2021. Green est une machine à highlights, un athlète ultra explosif et déjà une star des réseaux sociaux. Mais avant qu’il ne débute sa saison de G League le mois prochain, je voulais m’intéresser à ces matchs de lycée et de compétitions internationales (FIBA), et tenter d’évaluer son jeu dans sa globalité.

Regarder Jalen Green avec Prolific Prep en 2019-2020, mais aussi avec les différentes équipes de jeunes de Team USA me permet de rappeler une chose que je trouve essentielle dans l’évaluation de jeunes prospects. Il est essentiel de voir un joueur dans des contextes variés. En effet, cela permet de pouvoir saisir l’entièreté d’un profil, mais aussi de ne pas rester sur une image, soit trop positive, soit trop négative. Si l’on regarde la cuvée 2020, regarder Deni Avdija en FIBA, en Euroleague et en Ligue Israélienne a permis de mieux cerner son profil. La même chose peut être dit pour Tyrese Haliburton, avec un rôle aux Kings qui ressemble à un mix entre son année à Iowa State et son passage avec les U19 de Team USA lors de l’été 2019.

Si l’on évalue les deux derniers contextes d’équipe de Jalen Green, ce dernier a eu des rôles différents. Avec Team USA lors de la Coupe du Monde U19 en Grèce, Green sortait du banc, jouait 21mins par matchs et évoluait dans un rôle loin du ballon. Il shootait en spot-up, coupait loin du porteur, défendait à la fois loin et sur le cuir. Il était un joueur de complément, toujours positionné avec d’autres porteurs de balle (Tyrese Haliburton, Cade Cunningham, Kira Lewis JR, Scottie Barnes ou Isaac Likekele). Cela a limité ses opportunités balle en main. Ce n’est pas du tout la chose qu’on a pu voir en le regardant avec Prolific Prep en 2019-2020. Avec son lycée, Green était le porteur de balle d’une attaque héliocentrique, un attaquant complet, d’abord scoreur mais aussi capable de créer sur pick-and-roll. Deux rôles différents donc au sein de deux constructions d’équipes différentes, et qui permettent de saisir plusieurs aspects du jeu de Green. Si on peut questionner sa volonté de défendre en le regardant au lycée, ces questions sont nuancées (ou pas) quand on lui impose un rôle de défenseur avec Team USA.

Réfléchir sur le potentiel offensif de Green relève d’une question assez simple : peut-il être le porteur de balle d’une attaque NBA au dessus de la moyenne ? Si la réponse est oui, il doit être pris dans le top 3 de cette cuvée. Si la réponse est non, son profil pourrait se rapprocher d’un fort attaquant peu efficace, un joueur capable de prendre feu sur petit temps de jeu sans vraiment être un atout majeur d’une équipe qui gagne. Cette destinée le ferait un peu descendre en terme de valeur, et on pourrait peut être le sélectionner plus tard.

Lors de son année 2019-2020 au lycée, Jalen Green a mis en avant l’étendu de son talent offensif, mais je débuterais ma présentation de son jeu par un domaine dans lequel il a montré de belles améliorations : la création pour les autres et la vision du jeu. On connaît tous ses qualités athlétiques et son habilité sur le pull-up, mais les progrès à la création sont clés dans sa projection professionnelle. Avec Prolific Prep, il a joué bien plus de possessions en tant que porteur de balle sur pick-and-roll, évoluait avec des intérieurs fuyants et pouvait démontrer de vrais progrès de lecture. La différence est d’ailleurs majeure entre les deux premiers clips de la vidéo ci-dessous et le dernier : avec son lycée, on le voit à l’aise balle en main pour mettre en bonnes positions ses coéquipiers, tandis qu’avec Team USA, il est encore dans une sorte de « vision tunnel », il va au cercle sans voir les possibilités de pick-and-pop (pour Scottie Barnes en tête de raquette) ou de kick-out (pour Kira Lewis dans le corner). Les progrès sont notables et se sont faits en quelques mois, un signe encourageant pour son futur.

Dernier élément de son jeu offensif, la création pour les autres. Entre la CDM U19 (Juillet 2019) & la saison de HS, les progrès sont notables. Green a toujours une vision tunnel (visible sur le dernier clip), mais son rôle de créateur sur pick-and-roll avec son HS est notable pic.twitter.com/XkXMlbEQHu

— Guillou Alan (@Alan_Guillou96) January 17, 2021

La qualité principale de l’arsenal offensif d’un porteur de balle élite en NBA réside dans le pull-up, sa capacité à pouvoir tirer en sortie de dribble. D’ailleurs, il est selon moi, tout autant question de volume que d’efficacité ; certes les porteurs de balles élites allient volume et réussite, mais quand le volume est important, cela ouvre pléthore de possibilités dans le jeu d’un porteur de balle (Luka Doncic en est un bel exemple, tout comme Donovan Mitchell). Dans ce domaine, Jalen Green était l’an passé capable de tirer sur un haut volume en sortie de dribble, mais également d’afficher une réussite pas calamiteuse pour des shoots aussi complexes (31% à 3pts sur 9 tentatives par matchs en 2019-2020). Comme les clips le démontrent ci-dessous, Green utilise deux choses pour pouvoir s’élever de loin ; d’abord, son explosivité sur petit espace lui permet de créer de la séparation rapidement, tandis que son dribble a été travaillé et lui donne la possibilité de battre ses vis-à-vis. En outre, il comprend de mieux en mieux le rythme de jeu d’un pick-and-roll, avec une meilleure appréhension de ce type d’action.

Autre élément positif du jeu du californien, sa capacité à pull-up. Avec son lycée, Green était le porteur de balle d'une attaque héliocentrique. Il devait tout faire, et surtout tirer en sortie de dribble à haut volume. La réussite est sporadique, mais les flashs sont là. pic.twitter.com/2Xv4zf3YoX

— Guillou Alan (@Alan_Guillou96) January 17, 2021

Si l’évaluation du jeu en sortie de dribble était facile avec Prolific Prep, il était quasiment impossible d’évaluer son jeu sans ballon, tellement l’attaque de l’équipe était héliocentrique. Très peu de possessions off ball, peu d’opportunités de catch-and-shoot ; heureusement, en FIBA avec les U19 de Team USA, ce type de possessions a été fortement étudiables. Comme expliqué en introduction, Green sortait du banc, jouait à côté de plusieurs porteurs de balle et devait défendre, mettre des tirs. On a donc vu différentes choses dans ce compartiment : la réussite statistique était sporadique (sur 7 matchs, il shootait à 6/29 à 3pts, tout en étant capable d’un joli 4/10 en demi-finale face aux lituaniens), mais la gestuelle était déjà fluide selon moi. Il prenait ses tirs avec confiance, dans un bon rythme et avec un joli arrondi. Par contre, le travail de la main manquait parfois de fouetté, avec un tir qui manquait très souvent sur la gauche.

Là où les matchs FIBA sont clés, c'est pour évaluer ses qualités off-ball, notamment en spot-up. Il sortait du banc avec les U19 et ne portait pas la balle. On a donc pu le voir faire du catch-and-shoot, avec plus ou moins de réussite. La mécanique reste selon moi très bonne. pic.twitter.com/0ceA4gsOhT

— Guillou Alan (@Alan_Guillou96) January 17, 2021

Dernier point essentiel du jeu offensif de Jalen Green, l’influence de son explosivité sur son jeu proche du panier. Une des qualités principales de tous les prospects élites résident dans leur facilité à se créer des shoots plus simples que la moyenne des autres joueurs de leur âge, et cela en fonction de leurs différentes qualités. Pour certains, c’est la puissance sur le drive (LeBron James), pour d’autres la technique balle en main (Luka Doncic), la hauteur atteinte sur le pull-up (Kevin Durant). Sans comparer Jalen Green avec ces trois génies de la balle orange, l’explosivité sur le premier pas de Green lui permettait au lycée (et devrait lui permette à l’étage professionnel) d’accéder au cercle. Aucun défenseur de son âge (ou qu’il a eu a affronté) n’a réellement pu le tenir sur le premier pas dans les matchs que j’ai regardé. Il peut donc aller au cercle rapidement et finir. La finition est bonne mais laisse aussi parfois à désirer, résultat d’un haut du corps encore peu développé qui ne lui permet pas une bonne absorption du contact. C’est d'ailleurs assez notable de dire qu’il se sert à 18ans plus du bas du corps que du haut pour finir en altitude, avec une explosivité verticale qui lui permet de sauter assez haut pour finir sans exploser sur le contact avec le protecteur de cercle. Si son handle est bon pour se créer de la séparation dans ses tentatives de pull-up, il est encore à travailler dans son jeu de pénétration. La main gauche n’est pas encore très bonne, et du fait de cela, Green va parfois tenter un pull-up super complexe plutôt que d’attaquer le cercle.

La première chose qui saute aux yeux dans les matchs de Green avec Prolific Prep, c'est son explosivité sur le 1er pas. Cela lui permet d'accéder au cercle pour ensuite finir. Green est un freak, mais doit encore améliorer le haut du corps, ce qui lui permettra de mieux finir pic.twitter.com/U9MIlroXDn

— Guillou Alan (@Alan_Guillou96) January 17, 2021

Pour ce qui est de la défense, la visualisation des matchs de lycée et FIBA permettent de voir Green dans deux contextes opposés. Avec Prolific Prep, du fait de ses responsabilités offensives, il était quelque peu caché en défense et ne faisait pas trop d’efforts. Par contre, lors de la Coupe du Monde FIBA U19 en Grèce, son rôle était de défendre dur, surtout loin du ballon (il jouait souvent avec Isaac Likekele, un des tous meilleurs défenseurs sur l’homme de son âge). Dans les deux vidéos qui suivent, les deux Jalen Green en défense vont apparaître. D’abord, le Green actif loin du cuir, dans l’anticipation et capable d’actions incroyables au contre. Ensuite, le Green tête en l’air, dans la sur-aide et perdu loin du cuir, qui est terriblement attiré par le ballon et qui peut perdre ses vis-à-vis.

Défensivement, on a pu voir 2 Jalen Green. Avec Prolific Prep, il tenait tellement le cuir en attaque qu'il se reposait en défense. Avec Team USA, il avait un rôle de défenseur off ball. On a donc vu du bon et du très mauvais, des erreurs de lectures mais aussi de l'anticipation pic.twitter.com/VAOgRcjZrA

— Guillou Alan (@Alan_Guillou96) January 17, 2021

Sur ces derniers clips, on le voit perdu loin du ballon. Il a tendance à "sur-aider", à être trop attirer par le porteur de balle. Il devra corriger cela, surtout s'il ne devient pas le créateur offensif qu'on présage. pic.twitter.com/hL8usUa0yk

— Guillou Alan (@Alan_Guillou96) January 17, 2021

Ce dernier aspect du jeu est important pour lui, car si jamais Jalen Green ne se développe pas en tant que porteur de balle principal d’une attaque NBA, il devra absolument faire de plus gros efforts défensivement. Et c’est bien là que réside la relative difficulté de son évaluation. Rien que pour ses capacités athlétiques et son arsenal offensif, le californien doit être sélectionné dans le Top 5 d’une Draft, si ce n’est plus haut. Pour autant, l’atteinte de son plafond est pour le moment placé sur l’idée qu’il puisse devenir un initiateur d’attaque de haut niveau, un type de joueurs rares et d’élite dans le basket moderne. Si Green n’arrive pas à devenir ce joueur, il aura tout de même un rôle en NBA, mais il devra changer des variantes de son jeu afin de ne pas garder les problèmes d’un type de joueur qu’il rêve simplement d’être à l’étage professionnel.