Comme me disait un ami actuaire (un homme qui travaille dans les assurances, au Quebec, ndlr) : «les stats c'est comme un maillot de bain. Ça donne des idées, mais ça cache l'essentiel». C'est vrai. C'est surtout vrai dans un contexte de scouting où les joueurs qu'on regarde sont au beau milieu d'une courbe de progression souvent importante. Au cours des prochaines semaines, je vous propose de démystifier la lecture de stats dans un contexte de scouting. Je ne verserai pas trop dans les stats avancées pour garder ça simple. Aujourd'hui, on couvre un aspect du jeu pas toujours facile à interpréter statistiquement: la défense.

Retrouvez la première partie de cette analyse ici

Les entraîneurs aiment bien nous casser les oreilles avec ça : une bonne défense, ça gagne des matchs mais ça n'apparaît pas sur une feuille de pointage. Ils ont majoritairement raison. Il n'existe aucune statistique pour un marquage efficace à un-contre-un, une série de rotations bien effectuées ou pour une capacité à switcher sur toutes les positions. On peut cependant avoir une bonne idée de l'efficacité défensive d'un joueur en analysant quelques statistiques clé. Pour ce faire, on utilisera comme point de référence un des meilleurs défenseurs de la dernière cuvée, Scottie Barnes. 

NetRTG (Net Rating - Indice de production nette)

Oubliez ce que vous savez à propos des vols de balles (interceptions, ndlr) et des tirs bloqués (contres). Ce sont potentiellement des indicateurs de dominance défensive, mais sans un indice de production défensive et un indice de production nette satisfaisant ces deux statistiques n'ont aucune valeur. Prenez Hassan Whiteside depuis qu'il est à Sacramento : 15 tirs bloqués en 20 matchs, mais un indice de production nette déficitaire. En language châtié, ça veut dire qu'il sacrifie son positionnement dans la défense d'équipe pour ses stats individuelles. Méfiez-vous de ce genre de joueur comme la peste. À Florida State, l'incide de production nette de Scottie Barnes était de 17.6, ce qui veut dire que son équipe marque 17.6 points de plus qu'elle n'en accorde lorsqu'il est sur le terrain. Ils en mettent plus précisément 116.2 alors qu'ils n'en accordent que 98.6. On sait alors qu'on est en présence d'un crack défensif.

Attention, il ne faut pas toujours croire cette statistique aveuglément. Elle est parfois trompeuse. Une bonne équipe défensive tend à cacher statistiquement ses mauvais défenseurs. Prenez les Bears de Baylor l'an dernier. Matthew Mayer a fini la saison avec un indice de production nette de 25.1 ce qui est ÉNORME. Est-il un bon défenseur ? Correct, sans plus. Je doute aussi qu'il puisse suivre le rythme athlétiquement en NBA. Être entouré de monstres défensifs comme Davion Mitchell, Jared Butler et Mark Vital, ça aide à faire baisser l'indice de production défensive parce qu'ils font pas mal tout le boulot. Suffit de ne pas être dans leur chemin. Ne prenez pas l'indice de production nette pour de l'argent, mais c'est une flèche qui pointe dans la bonne direction. C'est LA statistique la plus parlante. Pour le reste il vous faudra regarder des matchs pour contextualiser. 

Les stats journalières chiantes à chercher

Pour établir un profil défensif précis d'un jeune joueur, il vous faudra bosser. En l'absence d'indicateur clair, il vous faudra plonger des les box scores de matchs et comparer le pourcentage de réussite du joueur adverse marqué par votre prospect étudies avec son pourcentage de réussite normale. Par exemple, si on prend l'apport de Franz Wagner avec Michigan l'an dernier: 47% de réussite au tir avec un respectable 34% à trois points pour un total de 12.5 ppm. Lors du match de Sweet Sixteen contre Florida State, il a été tenu à 44% d'efficacité avec un très ronflant 0% à trois points. Pendant 25 des 35 minutes qu'il a passé sur le terrain, il était couvert par... vous savez déjà qui: Scottie Barnes. Wagner s'en est somme toute bien tiré parce qu'il est malin et très polyvalent (il a fait prendre des fautes au contact à Barnes), mais il a quand même été moins efficace qu'à l'habitude. 

Au match précédent contre Colorado, Barnes a été placé partiellement sur McKinley Wright IV en situation de switch et le petit meneur s'en est pris plein la gueule. L'attaque de Colorado se basait beaucoup sur le mouvement de balle et la provocation de mistmatchs pour Wright et ce dernier a vu sa moyenne de 48% au tir tomber à 33% avec encore une fois un 0% (sur quatre tentatives) à trois points. Vous voyez le portrait commencer à se dessiner? C'est de la grosse recherche. C'est de la microanalyse, mais si vous voulez avoir une bonne idée de l'impact défensif d'un joueur il vous faut comparer et dans ce cas-ci (en fait toujours), il vous faut regarder les matchs. Parce que oui, ça arrive qu'un joueur ait une mauvaise performance. Surtout s'il s'agit d'un joueur de périmètre qui opèrent avec des tirs à pourcentage plus bas. Mais bon... si vous lisez ceci c'est parce que vous en bouffez du basket, n'est-ce pas?

 

Rebonds

Oui, c'est possible d'être un excellent rebondeur et d'être complètement nul en défense. Parlez-en à Andre Drummond. Pour chaque Drummond cependant, il existe un Paul Millsap qui produit en moyenne 7 rebonds par matchs avec un indice de production nette de 7. Lorsqu'on parle d'ailiers ou de joueur d'intérieurs, une partie de leur boulot implique de batailler sous le panier pour gober des rebonds et rappelez-vous, les rebonds défensifs terminent une possesion offensive. Elle permet à une équipe de retourner à l'attaque. Dans la mesure ou cette stat ne peut jamais vraiment être analysée hors contexte, regardons la production de Scottie Barnes : seulement que quatre rebonds par match l'an derrnier. Cependant 2.5 rebonds défensifs, 4.1 passes décisives et je le rappelle, un indice de production nette de 17.6. Ce que les stats disent ici c'est : ATTENTION, MACHINE À TRANSITION SUR LE PARQUET.

C'est facile de faire monter le nombre de rebonds sans faire monter le nombre de victoires de son équipe, si on est gros et fort. Cependant, si le ratio balance avec l'indice de production, on a affaire à un joueur qui dicte le tempo du match du côté défensif. Le nombre de rebond n'est pas si important, c'est l'équilibre de ce nombre avec le reste des stats qui raconte une histoire. Par exemple, Evan Mobley à USC gobait en moyenne 8.7 rebonds par matchs avec un indice net de 26.7. Il n'y avait pas là meilleur indice qu'il dominait la compétition physiquement. Il était plus long, plus explosif, meilleur passeur. Il était capable de minimiser les possessions adverses et maximiser les siennes. C'est pour ça qu'il fait un malheur aujourd'hui à Cleveland. Cette stat a besoin d'énormément de contexte, mais elle peut être très parlante. Surtout pour un joueur d'intérieur. 

Interceptions / Vol de balles

Même si je n'aime pas beaucoup me fier à cette statistique, on peut difficilement passer à côté. Encore une fois, à prendre avec un énorme grain de sel. Un ratio de vol de balles élevé peut signifier plusieurs choses : de bonnes mains, de longs bras, une latéralité élite, un instinct inné pour les lignes de passes.... mais elle peut aussi signifier une tendance à défendre en casse-cou et à prendre des risques non nécessaires sur le terrain. Le meilleur exemple que je puisse donner, c'est Rajon Rondo qui obtient en moyenne 1.6 vol de balle en carrière dans la NBA et qui est au mieux un défenseur médiocre. Il est physiquement dans la moyenne, impatient, il ne communique pas toujours bien avec ses coéquipier. Il prend cependant beaucoup de chances sur le terrain et parfois ça paye.

Scottie Barnes a obtenu en moyenne 1.5 vols de balle à Florida State en 2021 (3,4% des possessions adverses). Jumelé à son indice de production nette, on comprend qu'il s'agit d'un joueur qui comprend quand, comment et pourquoi prendre une chance en défense. Le ratio n'est pas extrêmement élevé (certains joueurs en ont deux par match), mais c'est également bon signe. Ça veut dire que Barnes est un défenseur responsable qui va choisir de demeurer avec sa cible au lieu d'aller chercher des stats vides. Le meilleur défenseur de la cuvée 2020 Isaac Okoro avait un ratio de 0.9 vols de balle par match à Auburn. C'est pas parce qu'il est mauvais défenseur. C'est plutôt parce que sa tâche était de demeurer sur le meilleur joueur adverse. C'est également sa tâche à Cleveland chez les pros. Son ratio l'an dernier? 0.9 vols de balle par match. Son ratio cette année? 0.9. Cherchez de la constance sur cette stat et non du volume. Ça indique une bonne compréhension des responsabilités. Le ratio de Scottie Barnes après 15 matchs à Toronto cette année? 1.0. Attendez-vous à ce que ça monte lorsqu'il prendra ses aises aux côtés de Pascal Siakam.

Contres / Tirs bloqués

Une autre statistique à prendre avec des pincettes, comme je l'ai expliqué plus haut. Pour un joueur d'intérieur, c'est assumé que ce bloquer des tirs et protéger l'arceau fera partie de leurs tâches. En voir à la feuille de pointage n'est donc pas nécessairement gage de quoique ce soit de tape à l'oeil. Par exemple, Scottie Barnes en a eu 0.6 par match pour l'année 2020-21 (2,1% des possessions adverses) ce qui peu sembler faible pour un joueur de sa taille mais ce dernier couvrait principalement des cibles au périmètre en situation de switch (et non en drop où c'est plus facile de venir en aide et d'avoir des tirs bloqués) alors beaucoup des tirs bloqués de Barnes sont venus directement SUR l'homme ce qui démontre beaucoup d'athlétisme et d'explosivité. Donc, il a eu moins de tirs bloqués, mais ces derniers était beaucoup plus difficiles à obtenir. Il n'a pas été en situation d'empiler les stats à l'anneau parce qu'on lui demandait de faire un peu de tout.

Un peu comme pour les vols de balle, c'est important de prendre en compte la constance avant le nombre pur. Une constance au niveau des tirs bloqués indique un certain niveau QI basket: le joueur sait quand prendre le risque de sauter pour bloquer le tir et sait surtout quand NE PAS le faire. Bien sûr, il y a toujours des talents qui ressortent du lot. L'an dernier, Evan Mobley tournait à 2.9 tirs bloqués par match avec un indice de production nette qui frôlait les 30 points. C'est parce qu'Evan Mobley est grand, long, mobile et c'était son boulot de protéger l'arceau. Ce type de production atypique s'explique par un profil unique et des circonstances qui s'y prêtent. C'est souvent le cas pour les pivots d'exception.