Comme me disait un ami actuaire (un homme qui travaille dans les assurances, au Quebec, ndlr) : «les stats c'est comme un maillot de bain. Ça donne des idées, mais ça cache l'essentiel». C'est vrai. C'est surtout vrai dans un contexte de scouting où les joueurs qu'on regarde sont au beau milieu d'une courbe de progression souvent importante. Au cours des prochaines semaines, je vous propose de démystifier la lecture de stats dans un contexte de scouting. Je ne verserai pas trop dans les stats avancées pour garder ça simple. Aujourd'hui, on couvre quatre statistiques qui traduisent des impondérables sur le terrain. Elles quantifient des comportements qui influencent indirectement un box score.

Retrouvez la première partie de cette analyse ici

Retrouvez la deuxième partie de cette analyse ici

Il n'existe pas de statistique pour tout, mais ce n'est pas faute d'avoir essayé. Depuis l'avènement des stats avancées dans le sport professionnel, les tronches font des pieds et des mains pour essayer de quantifier chaque détail lors de matchs. Il y a des comportements très réfractaires aux statistiques, mais qui s'illustrent quand même en chiffres par la bande. En scouting, permettent surtout de quantifier (ou à infirmer) des impressions qu'on peut avoir lorsqu'on regarde un joueur. Le contexte ici varie énormément de joueur en joueur et de position en position alors pas d'exemple canonique comme dans les deux premiers articles de cette série.

TOV (Turnovers - Pertes de balle)

Cette statistique raconte une histoire très différente lorsqu'on parle d'un meneur ou d'un ailier fort. On a tence à prendre en compte les pertes de balles surtout lorsqu'on parle de joueurs de périmètres, parce qu'ils en ont la responsabilité. Une moyenne de pertes de balles élevée peuvent traduire alors plusieurs choses: une impulsivité, une mauvaise capacité à gérer la pression défensive, une mauvaise lecture du jeu, etc. On les analysera également en rapport aux passes décisives. Par exemple, Russell Westbrook est reconnu pour perdre plusieurs ballons par matchs. Il a une moyenne de 4.1 balles perdues pour 8.5 passes décisives et ca ne va pas en s'améliorant. Il n'est pas tombé sous la barre des 4.5 pertes de balles depuis la saison 2015-16. Oui, Russell Westbrook est une machine à scorer. Il est aussi une machine à donner des occasions de scorer à l'équipe adverse. Si on prend en contre-exemple Chris Paul, il compte 2.4 pertes de balles pour 9.4 passes décisives. 

Pour un meneur, j'estime qu'un ratio passes décisives-pertes de balles doit tourner aux alentours de 3 pour 1. Trevor Keels de Duke tourne à 5.7 passes décisives pour 2.2 pertes de balle après 8 matchs. On y est presque. De plus, Keels défend comme une brute alors son ratio est acceptable. Pour un joueur qui se retrouve à l'autre bout d'un pick-and-roll, un haut taux de pertes de balles traduit autre chose: soit de mauvaises mains pour attraper le ballon, une mauvaise reconnaissantes des prises à deux, un mauvais positionnement sur le terrain, bref c'est tout aussi alarmant en contexte. Il faut alors comparer avec le nombre de tirs tentés. Le réputé mauvais attrapeur de ballon Nerlens Noel tourne à une perte de balle pour trois tirs tentés par matchs. C'est catastrophique. Le pivot de Duke Mark WIlliams lui en compte 0.5 sur 7 tentatives de tir, ce qui est beaucoup plus acceptable. Bref, si le taux de pertes de balles n'est pas dans la moyenne, il y a anguille sous roche. Quelque chose de fondamental cloche dans l'approche du joueur.

PF (Personal Fouls - Fautes)

Les fautes au basket racontent une toute autre histoire que dans la plupart des autres sports professionnels. Dans un sport de contact comme le basket, c'est très facile de provoquer des fautes chez le joueur adverse. Pensez à James Harden et son drive avec son dégagement des bras à la con qui prend tout le monde toujours de la même façon. Un nombre élevé de fautes au basket représente d'habitude un problème de physicalité chez le joueur observé. Une incapacité à prendre l'impact défensivement. Un joueur assez gros et musclé pour la NBA aura une certaine inertie au contact qui permettra d'absorber sans perdre l'équilibre ou de pouvoir shade le ballon avec une main stable sans balancer les bras à touts vents. 

Encore une fois, Trevor Keels en est un bon exemple. Le très énorme meneur de Duke commet 1.9 fautes par match jusqu'à maintenant et récolte 2.7 vols de balle en comparaison. On parle ici d'un joueur extrêmement physique, mais qui ne met jamais son équipe en mauvaise posture. Bien sûr, un nombre élevé de fautes peut trahir d'autres problèmes comme une lenteur de pieds ou un manque de QI basket en défensive. Un joueur qui rattrape un retard va hâter ses geste et provoquer du contact là où il ne devrait pas y en avoir. Le pivot de Golden State James Wiseman en est le parfait exemple: il a récolté 3.1 fautes en 21 minutes par match l'an dernier. Pas un joueur qu'on peut mettre en titulaire. Bref lorsque les fautes sont élevées au collégial, c'est drapeau rouge. Il s'agit de joueurs qui ne sont pas encore prêts à faire le saut chez les pros.

PER (Player Efficiency Rating - Ratio d'efficacité)

Il faut qu'on se parle du mythique PER. Qu'est-ce que ça mange en hiver et est-ce qu'on doit s'en foutre? C'est du cas-par-cas. Le PER c'est un calcul de la valeur de la production d'un joueur par minute qui comprends tirs, lancers francs, trois points, passes décisives, rebonds, tirs bloqués et vols de balle, mais aussi les tirs ratés, les pertes de balle et les fautes. L'idée, cest de donner une aperçu de l'impact individuel d'un joueur sur un match. C'est du par-minutes comme ça les substituts ne sont pas pénalisés et le rythme d'un match est également pondéré afin que Steph Curry et Julius Randle soient jugés selon le même calcul. Est-ce que c'est de la merde? Un peu. À moins de performances surhumaines, la plupart des joueurs se tiennent entre 10 et 20. LeBron James a un PER de 21.6 cette saison et il tourne à 25-5-7.

Là où le PER est important c'est lorsqu'il est bas, mais que l'équipe gagne. Par exemple, mon vieux chouchou Bruce Brown montre un PER de 11 cette année, soit 4 points sous la moyenne de la ligue et pourtant les Nets de Brooklyn ont une fiche de 16-7. Un PER bas dans une situation gagnante indique un joueur qui facilite la vie aux autres. Qui fait le sale boulot afin mettre en valeur les autres. Brown défend, mais ne récolte pas de tirs bloqués ou de vol de balle. Il met des écrans, fournit des options sur le terrain.  Rien qui se calcule. Il ne faut jamais prendre le PER au pied de la lettre. C'est lorsqu'il est incongru qu'il prend tout son sens. C'est à ce moment qu'il faut aller vérifier ce qui se passe et REGARDER DES MATCHS (vous ne vous en sortirez pas).

USG% (Usage Rate - Ratio d'utilisation)

Celle-là est le contraire du PER. Elle parle, cette stat. Le ratio d'utilisation ne représente pas le nombre de minutes passées sur le terrain par joueur, mais bien le pourcentage d'implication dans les posessions d'un joueur lorsqu'il est sur le terrain. On y calcule les tirs tentés, les lancers francs tentés et les pertes de balles. En language clair: combien de possessions impliquant directement le joueur se sont soldés par une tentative ou par un revirement. Quand un joueur mets des stats de ouf en collégial, c'est HYPER-IMPORTANT de regarder le ratio d'utilisation et le nombre de tirs tentés. Mon exemple canonique: Jimmer Fredette a été drafté lotto par les Kings après avoir tourné à 32 ppm à sa saison sénior, dont 40% à trois points. Son ratio d'utilisation? 37.8% Presque le double de la moyenne.

Comment interpréter pareille trouvaille? Jimmer Fredette était l'alpha et l'oméga de l'attaque de BYU à sa dernière année au collège. Tout passait par lui et il avait le feu vert pour tirer dans n'importe quelle situation. GROS red flag ici. Un joueur de 1m88 qui ne peut pas vraiment créer pour les autres et qui doit prendre 23 tirs par match pour trouver son rythme... les chances que ça fonctionne en NBA étaient mince. Si on prend en comparaison Damian Lillard l'année suivante. Un ratio d'utilisation de 33% à Weber State avec 40% à trois points avec 4.6 passes décisives. Le gars avait besoin de moins de ballons même s'il était meneur, il était capable d'être aussi efficace sur moins de tirs par match et impliquait ses coéquipiers dans l'attaque. Regardez toujours le ratio d'utilisation. C'est une excellente façon de débusquer les fumistes.