Après avoir commencé à chercher des ailiers calibre NBA grâce aux outils statistiques, nous débutons une autre quête aujourd'hui. Parmi les milliers de joueurs NCAA, trouver ceux qui pourraient devenir des meneurs de rotation en NBA. Dans cet article nous sommes allés chercher des joueurs moins "évidents", mais dont les stats (avancées ou non) et l'historique nous font dire qu'ils pourraient avoir une carrière dans la grande ligue. Quels critères retenir et quels joueurs candidats en 2022 pourraient faire l'affaire ?

 

Qu'est ce qu'un meneur/arrière de rotation en NBA ? Généralement il sait dribbler, tirer, passer, il perd peu de ballon. L'exemple le plus frappant s'appelle sans doute Monte Morris, un des deux joueurs sélectionnés au second tour de la draft 2017 à encore faire partie de l'effectif de l'équipe qui l'a drafté (avec Dillon Brooks). Pour notre recherche, nous avons donc commencer à faire ressortir les forces de statistiques qui étaient celle de Monte lorsqu'il était en NCAA : sa capacité à créer pour les autres, avec un ratio AST/TO hors de portée pour le commun des mortels (5,2 sur son année senior à Iowa State). D'abord, j'ai effectué un tri par AST/TO donc, mais il ne s'est pas révélé concluant, tout simplement car ce critère était trop excluant. Alors, j'ai décidé simplement de me concentrer sur les AST, sur le site barttorvik : +30% AST, c'est un taux élevé, élite.

L'AST% c'est quoi : pour un joueur, le pourcentage des tirs marqués par ses coéquipiers, qui viennent d'une de ses passes décisives. 30% ça veut dire que si les coéquipiers de X marquent 10 tirs, 3 viennent d'une passe décisive de X.

La liste que j'obtiens, des joueurs NCAA depuis 2008 ayant atteint cette marque est encore trop grande. Ce qu'on aime d'un joueur au second tour / fin de premier tour, c'est son impact immédiat en NBA. Je trie donc en ne conservant que les joueurs seniors, soit en dernière année de cursus universitaire. Encore trop de noms, mais je remarque que ceux qui ne m'évoque rien, qui n'ont donc fait carrière ni en NBA ni en Europe, ont souvent une efficacité au tir faible : j'ajoute comme critère 50% eFG (réussite au tir prenant en compte la valeur du tir). Enfin, le critère manquant, après beaucoup d'essais, s'impose par la logique : il ne faut pas pénaliser son équipe en défense. Je décide donc de placer comme marque un BPM (Box Plus/Minus), après tatonnement je le place à 2. J'enlève pour finir les joueurs venant de Mid-Majors, facs de moyenne importance. Voici la liste des 18 joueurs que j'obtiens (entre parenthèse, l'année de candidature à la draft) :

la page stat ici

Denzel Valentine (16), Monte Morris (17), Delon Wright 15), McKinley Wright IV (21), Shabazz Napier (14), Alondes Williams (22), Gary Payton II (16), Russ Smith (14), Deandre Kane (14), Ethan Happ (19), Jordan McLaughlin (18), Justin Robinson (19), T.J. McConnell (15), Tray Woodall (13), Paul Scruggs (21), Trevion Williams (22), Lance Jeter (11), Alex Caruso (16)

Dix-huit joueurs dont trois (en gras, nous développerons plus bas) sont toujours en NCAA (Paul Scruggs a eu le droit de revenir pour une super année senior pour cause de Covid). Ici quelques joueurs draftés (Valentine, Morris, Wright, Napier) mais SURTOUT énormément de belles histoires "undrafted" : GP2, TJ McConnell, Alex Caruso, dans une moindre mesure Jordan McLaughlin. Les draftés, à part Napier, sont toujours dans la ligue. McKinley Wright a un "two-way", Deandre Kane a fait une belle carrière en Europe (Maccabi, Betis, Nizhny Novgorod), Lance Jeter et Ethan Happ des un peu moins glorieuses (Jeter est passé néanmoins par la JL Bourg en France). Justin Robinson se débat actuellement avec des 10-days contracts. Chose intéressante, si on enlève de cette liste les joueurs de moins de 6ft1 (1m85), on retire Woodall (disparu en tant que joueur, désormais coach), Smith (en Chine) et McKinley Wright.

On remarque aussi que les "belles histoires" de meneurs devenus back-up sérieux en NBA ont souvent eu des taux d'usage modestes : moins de 25% (le joueur a la balle en sa possesion 25% du temps quand son équipe a le ballon) pour Monte Morris, Delon Wright, Jordan McLaughlin, TJ McConnell, Alex Caruso. En gros il ne manque que GP2 pour avoir tous les joueurs ayant aujourd'hui un rôle en NBA (désolé, Denzel Valentine). Qu'est ce que ça signifie ? Que ces joueurs n'ont pas eu besoin de la balle pour se montrer très efficaces à l'organisation (AST%), tout en étant propres au tir (EFG%) et utiles en défense (DPM) : ils sont déjà dans leur rôle NBA, où on ne leur demandera pas de scorer mais de "faire tourner" la second unit, souvent aidés par un titulaire / scoreur de banc utile lors des fins de possessions qui n'ont rien donné. 

 

Les candidats à la draft 2022

 

1 - Trevion Williams (Purdue)

Nous avons ici, surprise, seulement deux arrières, mais aussi un intérieur ! Trevion Williams est un des meilleurs passeurs big men que nous avons pu voir évoluer en NCAA, toutes saisons confondues depuis la création d'Envergure (et même avant). Sa vision du jeu est extraordinaire, sa technique de passe quasi-parfaite. Ce qui le distingue, c'est son sens du timing, il anticipe les déplacements des joueurs adverses, les coupes de ses coéquipiers, voit les différences de vitesse entre les uns et les autres : bref, c'est un passeur instinctif, très bon au poste bas. Envoyer une prise à deux sur lui c'est s'assurer d'un tir ouvert pour un coéquipier. Même sans prise à deux, l'option n'est pas exclue. Le voir faire partie de cette liste, normalement composée pour sortir des meneurs backup, c'est un testament de sa qualité de passe, de son intelligence défensive. Mais le seul autre "big man" de la liste, Ethan Happ, n'a pas été drafté, il n'a même pas fait carrière en NBA et évolue aujourd'hui dans le championnat allemand. Leurs stats défensives sont similaires (4% de BLK), leur adresse sur la ligne de réparation quasi répréhensible (46% pour Happ, 50% en carrière pour Trevion), leur adresse à mi-distance intéressante (43,6% opur Happ, 46% pour Williams). Ils ne prennent quasiment pas de tir à trois points, provoquent des fautes en quantité raisonnable, sont d'excellents rebondeurs défensifs. Deux différences : Trevion Williams prend plus de rebonds offensifs (17% contre 8%) et est plus adroit près du cercle que Happ (73% contre 59%). Il sera donc nécessaire de recourrir au FILM pour pouvoir comparer ces deux specimens et savoir si, contrairement à Happ, Trevion a un avenir en NBA. Ce sera l'objet d'une deuxième partie.

2 - Paul Scruggs (Xavier)

Paul Scruggs a une particularité : il remplit les critères qui nous intéresse sur la saison 2021 mais, depuis qu'il est revenu pour son année "super-senior" (la cinquième, exception accordée par la NCAA suite au Covid) sa production a baissé. I  l est toujours dans les clous défensivement mais n'est plus efficace au tir (47% EfG et 52 TS) notamment à cause d'une sélection de tir différente, absolument pas corrélée à une hausse de ses responsabilités (le taux d'usage est le même, 24%) ni à un grand changement de "personnel" (quasiment la même équipe, donc un peu meilleure au global par rapport à la NCAA dans son ensemble). L'analyse du film nous dira si Scruggs a une carte à jouer en NBA mais déjà, le visionnage passé et le revisionnage présent m'encouragent à penser qu'il a les outils physiques et défensifs pour couvrir les arrières NBA, le cerveau nécessaire (il est clairement le leader sur le terrain en termes de replacement de coéquipiers, etc...). Nous verrons dans la P2 si sa vision de jeu s'accorde avec le prototype des meneurs organisateurs / arrières au fort QI (Morris, Caruso) dont il partage les dimensions (entre 1m93 et 95 selon les sources).

3 - Alondes Williams (Wake Forrest)

Sur le papier il est LE candidat idéal, avec de l'efficacité, de la création, de la taille, de la défense. Seul le critère du taux d'usage du ballon, plus élevé que la moyenne des gestionnaires de seconde unité, poserait problème : il n'aura pas la même importance dans une attaque NBA qu'à WF. Lui a le profil du late bloomer, dans le sens où il progresse d'année en année avec un saut cette saison en changeant de conférence (il jouait à Oklahoma avant). Alondes Williams ressort par rapport aux profils statistiques des Monte Morris & Cie précedemment exposés par une caractéristique précise : il va tirer au cercle sept fois par rencontre, pour 67% de réussite, avec quasiment un dunk par match (!). D'un côté, on peut se dire que ces facilités et cette domination physique lui ouvrent des portes en NCAA qui se refermeront plus tard, des portes qui lui permettent de franchir la barre "fatale" (dans notre calcul) des 30% d'AST (31,4% précisément). De l'autre, on peut se dire qu'avec une telle domination ET une telle propreté, on a peut-être ici davantage qu'un simple role player de rotation. On ira vérifier dans la P2, la session film, si Alondes Williams joue avec intelligence, instinct, grinta : un point commun aux outliers que sont McConnell, Caruso, Morris, même McLaughlin dans une mesure moindre. 

 

Les autres

La liste officielle

Les autres sont ceux qui sont proches des critères initiaux : 2 BPM, 50%EfG, 30%AST. Le BPM étant cumulatif sur l'année, j'ai descendu son niveau à 1,7 pour obtenir une nouvelle liste de noms, parmi lesquels Alondes et Trevion, les deux Williams, mais aussi : Kevion Nolan (Jacksonville), Kennedy Chandler (Tennessee), Terry Roberts (Bradley) et Grayson Murphy (excellent nom, Belmont) et... Scotty Pippen Jr !. Un vient de conférences Mid-Majors reconnue, (Bradley en Missouri Valley avec une difficulté de calendrier 119e sur 358, soit premier tiers selon KenPom), un autre de Mid-Major assez connue (Belmont en Ohio Valley, 196e sur 358e en SoS - difficulté de calendrier - mais 66e attaque du pays en Adjusted Eficiency) et un autre d'une low major (petite conférence, Atlantic Sun). Kennedy Chandler, est un freshman, débutant en NCAA, actuellement dans le top 30 de notre Big Board 2022. Scotty Pippen Jr est un meneur de jeu d'une équipe très faible d'une conférence très forte (Vanderbilt, dans la SEC) qui brille notamment par ses qualités athlétiques et qui est rentré de juste en fin de saison dans nos critères grâce à un regain d'adresse au tir.

Pour des considérations NBA, on éliminera de facto Kevion Nolan, le super-junior de Jacksonville, malgré son 39% de loin, 92% aux LF et 30% d'AST pour seulement 11% de TO. Profil non-NBA, mais, à vérifier après plus de vidéo, un professionnel existe ici. On aime particulièrement le shot-making, la gestuelle, la gestion du pick'n roll. On garde un oeil sur Grayson Murphy, même si son incapacité à provoquer des lancers-francs (14%) et l'analyse du film montrent bien qu'il n'est pas un athlète NBA. Terry Roberts, lui, perd trop de ballons, mais on aime le profil de joueur venant de division inférieure et se creusant un succès en NCAA 1 (il a passé deux ans en JuCo). Surtout, il pâtit de son physique encore trop fin mais possède un premier pas explosif, de la créativité dans la finition, une maîtrise du tempo. Tout ça sonne terriblement - sauf inadaptation à l'export - comme une réussite possible européenne.

Concernant Kennedy Chandler, une stat, ou plutôt une liste. Les joueurs qui ont rempli nos critères en tant que freshman (première année NCAA), depuis 2007 : Lonzo Ball, Dangelo Russell, John Wall, Wade Baldwin IV (snif), Jawun Evans, Scottie Barnes, Anthony Collins (??), Andre Curbelo (actuellement Illinois, sophomore). Des gros ratés, des belles réussites, malheureusement KC est petit comme les "manqués NBA" de cette liste (Evans, Collins, Curbelo à confirmer). Mais, moi-même et Benoît Lelièvre (lire son scouting report ici) étant des fans de son aptitude à "jouer plus grand que sa taille", notamment en défense, rien n'est perdu.

Enfin, concernant Scotty Pippen Jr, le cas est épineux. Clairement, il a la taille, l'explosivité, le playmaking aussi, d'un joueur borderline NBA. Il faudra reconfirmer en allant regarder du film, notamment de ses duels face aux grosses écuries et gros physiques de la conférence la plus athlétique de NCAA. Il progresse peu au niveau de l'adresse mais doit se créer la majorité de ses tirs, un rôle qu'il n'aura probablement pas en NBA. Ici, on est tombé sur le rare cas du joueur qui rentre dans nos cases statistiques mais ressemble plus à un "scoreur" de banc qu'à un gestionnaire. Il fait beaucoup de passes décisives parce qu'il doit tout faire dans son équipe, mais il n'est pas particulièrement "propre". Ici on revient à l'importance du taux d'usage en NCAA, les stars universitaires devant porter des équipes sur leur dos n'ont quasiment jamais, hors top 10 pick, le même rôle dans la Grande Ligue. Néanmoins, on ne serait pas surpris de voir Pippen fils gratter un second tour de draft ou un contrat two-way, pourquoi pas faire son trou en étant un homme de missions. Pour cela, il faudra acheter le tir en catch & shoot, qu'il a finalement peu pratiqué cette saison vu son rôle central à Vanderbilt.

La liste d'attente

Comme certains le savent, dans les concours d'entrée à certaines facs ou écoles, on a la liste principale, les désirés, et puis la liste d'attente, les plans B, s'avérant parfois être de bonnes pioches, parfois des cancres. Voici des joueurs actuellement en NCAA ne tombant pas loin de nos critères. Ils sont donc à surveiller. En baissant le Defensive BPM à 1, on ajoute le senior en vogue de Wyoming, Hunter Maldonado (58% de taux de LF, domination totale), le meneur de poche de Providence, Jared Bynum (coucou l'Europe), le junior transfert de Michigan State Tyson Walker (rôle limité, à surveiller mais petit en taille).

En baissant le AST% à 28, on ajoute deux meneurs de poches gros shooteur (*pointe son doigt en direction de la BETCLIC ELITE*) : Kendric Davis de SMU et Jacob Gilyard de Richmond. Le même, sans le tir, Posh Alexander (elite name team), joue à St John's et n'est que sophomore. Enfin l'enigmatique Rylan Jones, à Utah State, touche trop peu la gonfle pour être considéré.

Enfin, en baissant le EfG à 48%, on voit arriver un petit meneur complètement autocrate à Saint Louis (Yuri Collins), le maladroit mais utile Jesus Carralero (Campbell), un joueur à faible usage d'une petite fac' (Jayden Saddler) et SURTOUT, le meneur de VCU, Adrian "Ace" Baldwin, que je considère après visionnage de film comme un vrai candidat sérieux à une place en NBA vu son volume défensif et sa vivacité offensive. En épurant son jeu, en améliorant encore son tir lointain, il sera dans cette catégorie l'an prochain.

 

En résumé en partie deux nous aurons ; une comparaison Trevion Williams / Ethan Happ pour voir si Tre' a une chance en NBA ; un visionnage de "l'intelligence de Paul Scruggs ; une étude de film approfondie sur Alondes Williams. Plus, deux ou trois petites choses sur de nouveaux candidats éventuels, genre Pippen Jr...

Ici vous retrouvez la partie 1 de la "recherche des pépites à l'aile".