Le jury d'experts du basket tricolore réunit par Envergure, ainsi que le public, a élu Prospect (Français) Du Mois le joueur des Michigan Wolverins, Moussa Diabaté. Il succède au palmarès à Ismaël Kamagate et à Hugo Besson, grâce à un mois de janvier solide en NCAA, où il s'impose dans une fac' exigeante. Pourtant, les spécialistes de la draft NBA le placent unaniment au second tour de leurs projections pour 2022. Pourquoi ? Est-il sous-coté par eux, surcoté par nous ?

Le jury : un vote pour le public, un vote pour Envergure, un vote pour First Team. Un vote chacun pour Barbara Youinou (l'Est Républicain), Yann Ohnona (L'Equipe), Lukas Nicot (Sport en France), Gabriel Pantel-Jouve (Be Basket), Pascal Giberné (ex Canal, Basket News, Le Parisien)

Résultat des votes : Diabate (4 voix) / Kamardine (3 voix) / Rupert (1 voix) / Yetna (0 voix)

La fiche de Diabaté : https://www.envergure.co/prospect/65/moussa-diabate

La fiche de Kamardine : https://www.envergure.co/prospect/4318/ilias-kamardine

La fiche de Rupert : https://www.envergure.co/prospect/3879/rayan-rupert

La fiche de Yetna : https://www.envergure.co/prospect/4095/alexis-yetna

 

Il était déjà nommé parmi les candidats au "Prospect du Mois" en novembre, Moussa Diabaté a poursuivi sur sa lancée avec les Wolverins pour remporter notre trophée de "Prospect FR du Mois". Ce ne fût pas un plesbicite, loin de là. "Michigan gagne trop peu", soufflait un membre du jury, "il est encore irrégulier", disait un gars de la Team Envergure. D'autant que l'Espoir de Dijon, Ilias Kamardine, a impressionné sur les terrains de la Betclic Elite U21, avec notamment un carton à 37 points, à 18 piges tout juste. Un vote est allé au jeune Rupert, auteur d'un bon mois en Nationale 1, tandis qu'Alexis Yetna (Seton Hall) était sans doute pénalisé par son âge et les performances de son équipe. 

Moussa n'a pas démerité sur son mois de janvier, loin de là. Il est vrai Michigan se rôde encore et perd (trop). Mais lui, sur le terrain, gagne un peu plus la confiance de l'exigeant Juwan Howard, qui s'y connait quand on parle de jeu intérieur. Lors de la moitié des matchs du mois il a joué plus de 30 minutes, rarissime pour un freshman. Plusieurs fois, il a eu le meilleur impact défensif du 5 majeur selon les stats avancées. En termes de statistiques "brutes", ce n'est pas mal non plus : 11,2pts, 7,3rebs à 51% aux tirs et 80% aux lancers. Moussa, par son énergie, provoque beaucoup de fautes (FTr de 42,5 = plus de quatre lancers-francs tentés tous les 10 tirs), signe d'une domination physique.

Mais si Moussa Diabaté n'a pas (encore) de grande hype en France, est-ce justifié ? Serait-ce un "effet miroir" des USA, quand on voit que l'intérieur n'est classé top 30 par AUCUN site spécialisé à la draft ? Chez nous, à Envergure, Diabaté est 15e du Big Board des meilleurs prospects pour la draft 2022. Pourquoi une telle différence ? 

Attention au rôle

Classé n°46 par la référence ESPN, n°45 par Sam Vecennie sur The Athletic, hors du top 60 (!) par Jonathan Wasserman chez Bleacher Report, hors du top 70 chez Tankathon (!!) : Moussa Diabaté est unanimement un prospect non-populaire pour le moment, le constat est clair. Qu'est ce qui cloche ? Nous avons recueilli plusieurs témoignages de scouts ou d'observateurs sur la question. Pour Marc-Grégor Camprédon, notre frenchie qui couvre l'actualité de l'équipe de Michigan en tant que photographe, deux raisons principales : "il doit défendre loin de l'anneau, c'est le rôle que lui assigne coach Howard, d'une part parce qu'il joue avec Hunter Dickinson, titulaire indiscutable au poste 5, moins mobile, mais surtout parce qu'il prend des fautes". Forcément, ça se ressent sur les stats de Moussa à la dissuasion, pas vraiment brillant (3,6% des tirs adverses contrés), surtout quand on compare avec d'autres pivots futurs candidats : Walker Kessler approche les 20%, Jalen Duren est à 11%, Christian Koloko à 12%, Mark Williams presque à 14%. Quand on sait qu'on demande à un pivot aujourd'hui en NBA en premier lieu - protéger le cercle - ça pose un souci théorique. Deuxième argument soulevé par Marc-Grégor : le personnel l'accompagnant offensivement. "En gros, lui et Dickinson, les deux intérieurs, sont quasiment les meilleures options au tir de l'équipe" (derrière le potentiel 1st round pick Caleb Houstan, ndlr). Il sous-performe à cause du jeu des arrières, il n'est pas super bien servi", affirme l'insider des Wolverines. Moussa Diabaté a donc des stats avancées assez mauvaises : l'équipe est plus efficace offensivement sans lui (plus de spacing, un seul intérieur), qu'avec.

Une histoire de narration ?

Pour notre Alan Guillou national, il existe aussi une histoire d'histoires. "Michigan ne performe pas, ils déçoivent, forcément ça ne sert pas la hype des joueurs de l'équipe", souligne Alan. D'ailleurs, Caleb Houstan, lui aussi prospect de Michigan, annoncé lui top 10 avant la saison, glisse sur les boards (souvent autour de la 20 ou 30e place maintenant). Il y a aussi les opinions pré-établies, qui sans ces performances colelctives attrayantes, ont du mal à bouger : "avant-saison il n'était pas vu comme un first round pick ,malgré le fait qu'il soit une recrue de haute voltige à la sortie du lycée" (n°13 de tout le pays, devant Tyty Washington, Kendall Brown, tous les deux annoncés lottery picks), détaille Alan. Pour monter à la draft, les boxscores sont quasiment indispensables, même si elles peuvent être trompeuses. Des joueurs qui ont l'ambition de produire en NBA doivent pouvoir le faire en NCAA, voilà en clair l'état d'esprit. Un match à 20/15, une série de matchs à +2 contres, voilà qui pourrait commencer à mettre Moussa sur la carte.

Un profil trop commun ?

"Ok, il court, il est une menace de lob, il peut switcher sur différentes positions, mais combien de gars sont comme ça aux États-Unis". Cette phrase est signée d'un scout de profession, a priori pas d'un observateur lambda. À la ribambelle de pivots/intérieurs cités plus hauts, on peut ajouter Orlando Robinson, Keegan Murray, John Butler, Tari Eason, Jonathan Tchamwa-Tchatchoua, Jeremy Sochan, Jaylin Williams, Trevion Williams, et bien sûr Ismaël Kamagaté ! N'en jetez plus, la concurrence au poste est beaucoup trop haute pour cette cuvée 2022. Et ce qui gêne notre ami scout, c'est que contrairement à d'autres, Moussa Diabaté ne semble pas se démarquer de la masse par un skill en particulier. Autrement formulé, un scout cherchera toujours "ce que la personne sait faire". Peu importe si vous ne savez pas tirer, mais si vous êtes un protecteur de cercle et un dunker féroce, on prend (DD Jordan, Jarrett Allen). Moussa n'a apparemment aucune capacité d'élite, il n'est même pas forcément grand pour un pivot (2m10). Forcément, quand vous vendez en vitrine la même baguette que les autres boulangeries, vous n'appâtez pas le chaland. "Sa mécanique est lente, il n'a pas de range", termine le scout NBA, ultime coup de marteau sur les espoirs de 1st round pick.

SAUF QUE. Vous m'avez vu venir, n'est-ce pas. Moussa Diabaté, peut-être l'aime-t-on un peu trop, peut-être par chauvinisme, ou par amour de la contrariété. Mais les arguments présentés ci-dessus sont tous réfutables. Déjà, celui du profil banal : statistiquement il est clair que Diabaté n'a rien d'un crack. L'impact sur le jeu, lui, est différent : on le voit switcher et mettre dans sa poche tous les types de profil. Il shoote à 80% aux lancers-francs au mois de janvier, il a tenté trois tirs primés. Il commence à pratiquer du face up pour profiter de son explosivité, avec une dextérité très correcte pour sa taille (un in and out lui suffit pour le moment). Aucun des profils cités plus haut n'a ce profil avec cette explosivité. Moussa Diabaté n'a besoin de personne pour se créer son attaque : le rebond offensif et le duel individuel lui vont bien et pour nous, c'est rare. Ensuite, imaginez-le dans une attaque avec plusieurs menaces, du spacing, placé en poste cinq, avec un meneur-général-en-chef et des résultats qui suivent. Imaginer Moussa Diabaté à UCLA, c'est très douloureux pour notre petit coeur, c'est aussi la certitude absolue qu'il serait considéré bien mieux sur les Big Boards. Même à Duke, en le changeant de place avec Mark Williams, il aurait plus d'attention, donc plus la cote. "Ici les gens pensent qu'il est sous-coté à cause des résultats de l'équipe", affirme Marc-Grégor, "on le voit comme un steal de la draft, le public l'adore, le staff aussi, même si on voit les limites qui font la différence entre un premier et un second tour".

Alors que faire ? Attendre un an de plus ? Hunter Dickinson sera probablement encore là, le contexte sera encore difficile pour Moussa - même s'il en profite pour développer de nouveaux skills, un nouveau rôle, positif pour la suite - ce ne sera pas nécessairement une réussite. Faut-il transférer dans une autre fac', avec de meilleurs créateurs et un jeu plus moderne ? Faut-il faire confiance au talent, foncer dans les workouts tête baissée, espérer un premier tour et garder la tête haute en cas de second tour ? Nous n'avons pas la formule magique, mais nous avons la certitude que l'évaluation de Moussa Diabaté, aujourd'hui, est biaisée. Il est notre Prospect du Mois de janvier, mois au cours duquel il a fêté ses 20 ans.