Zion en 1. Ja en 2. RJ en 3. Pas de surprises sur le podium puis, comme attendu, la draft NBA est partie en toupie avec des choix qui nous ont surpris. À froid, tentons d'essayer de comprendre ce qu'il s'est passé dans la tête des GM autour de la grande ligue.

 

Leçon n°1 / Du shoot, du shoot, du shoot

Les franchises NBA ont probablement regardé les Warriors se noyer dans le manque de spacing lorsque Durant et Thompson se sont blessés lors des Finales. Même scénario pour les Bucks avec le manque de réussite d'Eric Bledsoe, lors des Finales à l'Est. Sauf joueurs dominants avec la balle (et encore), les équipes comprennent que pour briller en playoffs il faut de l'espace et donc des joueurs pouvant shooter. Conséquence directe ou non, il semble que les spécialistes du tir aient été "sur-draftés" dans la nuit de jeudi à vendredi. Cameron Johnson, joueur quasi-unidimensionnel, a été choisi par les Phoenix Suns en 11e position, soit quasiment 20 positions plus haut que celle où il était attendu. Johnson, 23 ans déjà, potentiel extrêmement limité par son côté "soft" au contact, shootait à 45% à trois points cette saison et 81% aux lancers-francs, rare pour un homme de 2m05.

Deux choix plus tard, Tyler Herro, attendu plutôt autour du pick 20, partait avec le 13 à Miami. Malgré sa très faible propension à se rendre au cercle, malgré une envergure extrêmement réduite (1,91 pour une taille de 1,98, un record négatif aux mesures du NBA Combine), malgré le fait qu'il ne devienne donc probablement jamais un défenseur "positif" pour une équipe, Herro a été drafté pour son tir (35,5% à 3pts, 93% (!!) aux lancers-francs). Il sera effectivement une vraie menace dès son premier match en NBA mais on peut se poser des questions sur sa potentielle polyvalence.

En début de second tour, la draft de Marcos Louzada Silva (bon shooteur, brésilien encore peu connu), tout comme celle de Ty Jerome (excellent toucher) avec le choix 24, peuvent apparaître comme des surprises. Même chose pour Jordan Poole, le flongueur de Michigan drafté par les Warriors en fin de premier tour et de Dylan Windler, choisi par les Cavaliers en 26. À l'inverse, des joueurs complets mais avec un tir en forme de point d'interrogation ont un peu "glissé" lors de cette draft. On pense évidemment à Brandon Clarke (21e), ou même à LuGuentz Dort, énorme potentiel physique finalement undrafted.

 

Évidemment la tendance peut-être influencée par des informations auxquelles nous n'avons pas (pour l'instant accès), notamment le déroulement des workouts et des interviews lors du processus pre-draft. Mais on ne peut s'empêcher de penser que l'obsession du spacing a forcément influencé des destins lors de cette soirée.

 

Leçon n°2 / Valeur sûre > Potentiel

Voilà une autre piste de réflexion. Cette draft présentait un écart très clair entre le top 3, des joueurs pouvant potentiellement devenir des options 1 ou 2 d'équipes jouant les playoffs, et le reste de la cuvée. Alors, à partir du choix n°4 une tendance s'est dessinée : celle de choisir, plus que lors des autres drafts, des joueurs dont on connait le rôle, dont on peut projeter facilement la production en NBA. 

Ça a débuté dès le choix numéro quatre, avec De'Andre Hunter, choisi et ciblé par Atlanta qui ont trade up pour l'ailier de Virginia. Hunter, gros défenseur, bon shooteur, est capable de produire dès le premier jour en NBA, même si son potentiel semble moins élevé que celui d'un Jarrett Culver ou d'un Cameron Reddish, attendus dans la même "fourchette" de draft. D'ailleurs, le 2e plus NBA ready des trois (Culver) sera choisi en 6, et le pari le plus "risqué" (Reddish) ne sera choisi qu'en 10e position.

Avec le 9e choix, Rui Hachimura, grosse machine statistique à l'université, était choisi par les Wizards. Washington - peut-être apaté par le potentiel sur le marché asiatique - a choisi un joueur junior, âgé déjà de 21 ans et semblant avoir un "plafond" limité, notamment par des capacités athlétiques moyennes. Il peut "paraître" NBA ready (ne l'est pas forcément selon nous) mais a été préféré à Sekou Doumbouya, à Cameron Reddish, à Nassir Little. Sekou Doumbouya n'est parti qu'en 15e position, Nassir Little 25e, malgré des potentiels ("plafonds") plus élevés que celui du Japonais, ont été snobés quelques minutes (voire une bonne heure plus tard pour Little).

On a déjà parlé du cas Cameron Johnson, mais il rentre aussi dans la lignée de ces joueurs grands avec lesquels on sait à quoi s'attendre. Même chose pour Dylan Windler, choisi à notre grande surprise par les Cavaliers. Oui, son potentiel de role player est présent, mais Kevin Porter Jr, Keldon Johnson, Talen Horton-Tucker, étaient encore disponible. Le premier cité a eu des problèmes comportementaux, ce qui peut expliquer sa chute dans la draft. En revanche, pour KJ, la saison a été réussie mais il a été petit à petit sous côté justement car il ne faisait rien de manière "élite" au niveau NBA - bien qu'il sache quasiment tout faire. Concernant le cube d'Iowa State, THT, ce diamant brut n'a été choisi qu'en 46e position. LuGuentz Dort, freshman d'Arizona State, a lui été snobé également. Au contraire, des joueurs expérimentés comme Ty Jerome, Kyle Guy, Cody Martin, Eric Paschall, Admiral Schofield, ont tous été draftés, malgré leur potentiel bien moins haut que celui des suscités.

Enfin, le cas le plus symptomatique du "potentiel" snobé, c'est celui de deux grands pivots. D'abord, Bol Bol, en dépression au fur et à mesure que la soirée avançait, a finalement été choisi en 44e position par les Denver Nuggets. Il mesure plus de 2m20 et a shooté à 50% à trois points cette année. Mais il est fragile de corps, il s'est blessé cette année et n'a pas fait de workout privé, seulement un public où il portait un JOGGING (pour masquer une genouillère ? ses jambes trop maigres ?). Le potentiel est immense ("on le voit mal glisser hors de la lottery avec ce potentiel", écrivions-nous avec beaucoup de jugeote en début de saison) mais cela n'a pas suffit, le doute a pris le dessus. Même scénario, peut-être plus à raison, pour Jontay Porter, fort potentiel (drive, shoot, passe à 2m10) aux deux ruptures des ligaments croisés en deux ans, undrafted. Des franchises auraient pu prendre un pari, risquer gros pour tenter le pactole, mais dans une draft à talents moyens, on se contente visiblement d'un talent petit.

 

Leçon n°3 / Les two-way contracts et la mort du "draft'n stash"

Lors des drafts des 10 dernières années on était habitués à voir des noms incongrues de prospects internationaux sortir, notamment au second tour. Les équipes draftaient les droits de tel ou tel joueur et celui-ci ne rejoignait la NBA que plusieurs années plus tard, voire ne la rejoignaient pas tout court. Depuis cette saison, les équipes NBA ont le droit d'ajouter deux joueurs à leur effectif de 15, avec des contrats permettant des aller-retours entre la G-League et la NBA. Cela permet de développer un joueur, de lui donner quelques minutes dans la grande ligue, sans avoir recours à des contrats de dix jours dont le nombre est limité. 

Visiblement l'option plaît, à tel point qu'il n'y a quasiment eu aucun étranger drafté lors du second tour. Allen Smailagic ne compte pas, il évoluait déjà en G-League. Reste donc l'ami Vanja Marinkovic (drafté par les Kings), car il ne semble pas que Luka Samanic (19e) ni Deividas Sirvydis (37e) aient prévu de rester de ce côté de l'Atlantique la saison prochaine. Dommage pour le frenchie Adam Mokoka, le Camerounais Paul Eboua, et surtout l'Israelien Yovel Zoosman, que nous classions dans notre top 50 des candidats cette année.

Difficile d'analyser les conséquences de cette conséquence des two way contracts, mais on peut imaginer que cela pourrait inciter des prospects européens à tester la NCAA plutôt que de rester jouer professionnellement en Europe (ou ailleurs). Cela serait, c'est une opinion personnelle mais je pense partagée par celle de mes camarades d'Envergure, regrettable.