Evaluer les prospects dans différents contextes fut, pour moi, un élément de l’évaluation d’une Draft difficile à entièrement saisir. En effet, entre une saison universitaire d’une trentaine de matchs (voir plusieurs) et un tournoi FIBA de quelques rencontres, on pourrait penser que l’échantillon NCAA est plus important que les autres (FIBA, lycée, AAU/EYBL). Cependant, années après années, je trouve que, pour bon nombre de joueurs draftés, trop concentrer l’étude et l’évaluation sur le contexte NCAA ne permet pas de saisir l’entièreté des profils. Cette idée est encore plus vrai pour bon nombre de freshman, des joueurs parfois « décevants » en NCAA mais qui pouvait pâtir de contextes délicats et qu'il ne faut pas entièrement juger sur un seul contexte.

Enormément de joueurs ont, selon moi, chuté dans des cuvées ou n’ont pas été proprement évalués par l’absence de recul sur leur saison NCAA. Et souvent, l’année freshman en NCAA avait été mis en exergue pour pointer des soucis dans le jeu d’un joueur, sans réellement penser à un souci de contexte. Ce n’est pas parce qu’un joueur n’a pas montré un ou plusieurs éléments dans le contexte NCAA, qu’il ne peut pas tout de même les avoir en bagages. Précisément, regarder les prospects dans divers contextes permet de voir si, réellement, les limitations entraperçues dans un contexte sont complètes, où si le joueur peut évoluer et être utilisé dans des constructions d’équipes différentes.

Avant de débuter l’étude de nos tops prospects américains, on peut mettre en avant quelques exemples qui viennent illustrer notre propos. Comme dit précédemment, ce n’était pas parce que Devin Booker, Jamal Murray ou Tyler Herro n’avaient pas pu montrer des capacités balle en main à Kentucky qu’ils étaient simplement des arrières shooters ; voir Jamal Murray avec le Canada à la Coupe du Monde U17 en 2014 (à Dubai) permettait de le voir dans un rôle de porteur de balle. Pareil pour Booker et Herro au lycée. Cette année, les statistiques et la visualisation du tir de Sharife Cooper peuvent laisser penser que le meneur d’Auburn ne shootera pas bien en NBA : pourtant, les matchs AAU/EYBL montre un tir bien plus efficace, le tout sur un nombre de matchs intéressants.

Après cette partie théorique que je voulais mettre en avant depuis pas mal de temps, l’heure est arrivée de passer de la théorie à la pratique. Fin juin-début juillet 2019, l’équipe U19 américaine avait brillement remporté l’or lors des Championnat du Monde U19, en Grèce. Deux ans après une défaite en Egypte en demi-finale face au Canada de R.J. Barrett, Team USA avait envoyé une équipe ultra compétitive, une équipe qui pourrait compter 8 lottery pick. Tyrese Haliburton et Kira Lewis JR ont été drafté l’an passé, et cette année, six autres membres de cette équipe U19 pourraient partir très haut le 29 Juillet. Je trouvais donc intéressant de revenir sur les 7 matchs de cette compétition, par le prisme d’évaluation de ces joueurs.

 

Cade Cunningham

Stats sur la compétition : 11.7pts / 5rbs / 5.7asts / 2 TO / 1.4stls ; 40% aux shoots (sur 81 tentatives), 1/14 à 3pts & 75% aux LF (sur 20 tentatives) en 23.5mins de moyenne

Malgré sa non présence dans le 5 du tournoi (Tyrese Haliburton et Reggie Perry étaient les deux américains nommés dans cette équipe type), Cade Cunningham était déjà le meilleur joueur de son équipe et un candidat crédible à un premier choix de Draft. Quand il a fallu prendre les choses en main pour gagner la finale, face au Mali, c’est Cade qui a pris les choses en main, finissant la partie avec 21pts, 7rbs et 7asts.

Cade Cunningham ???????? FIBA U19 Finale vs MALI

La diversité des contextes d'évaluation est CLE chez les One-and-Done. Cade prend les choses en main en 2ème MT : il finit en 21/7/7, meilleur joueur de la finale à 17ans. En délicatesse avec son tir, mix de création/pénétration. pic.twitter.com/HICdd4niMP

— Guillou Alan (@Alan_Guillou96) April 12, 2021

Titulaire au sein d’un backcourt à trois avec Haliburton et Jalen Suggs, Cade était le 2ème initiateur de l’équipe avec Haliburton et le 1er sans lui. A l’aise sur le drive-and-kick, il aurait encore été plus influant si les spot-up shooters avaient mis dedans (notamment Green et Suggs). Cade n’avait simplement pas mis dedans de loin, avec un famélique 1/14 à 3pts : même si les stats en FIBA sont toujours plus basses, Cade n’avait pas bien shooté dans ce tournoi. Il n’était d’ailleurs pas un incroyable tireur à Montverde, au lycée : cette progression à Oklahoma State, sur une trentaine de matchs et sur un échantillon important en pull-up, est une chose qui peut le rendre élite offensivement en NBA.

Un des soucis de Cunningham en NCAA pouvait être les pertes de balles et son ratio AST/TO. Avec des joueurs de haut calibre à ses côtés, avec des joueurs capables de pick-and-pop (Jeremiah Robinson-Earl notamment), Cade faisait quasiment trois fois plus de passes décisives que de pertes de balles. Deux contextes différents donc, et deux profils statistiques qui diffèrent sur cet élément, ce qui permet d’apporter de la nuance.

 

Jalen Green 

Stats sur la compétition : 10.1pts / 2.1rbs / 1.3asts / 1.7 TO ; 39% aux tirs (sur 63 tentatives), 20% à 3pts (sur 29 shoots tentés) & 75% aux LF (sur 20 tentatives) en 21.5mins de moyenne

On avait déjà parlé de Jalen Green et de ses matchs FIBA avant le début de sa saison G League, surtout car son rôle au FIBA U19 était très différent de celui qu’il avait à Prolific Prep. Encore plus intéressant, Green avait durant cette Coupe du Monde U19 un rôle encore différent des autres compétitions FIBA auxquelles il avait participé. En effet, Green est triple médaillé d’or avec Team USA (U16, U17 et U19), MVP du FIBA U17 en 2018 (il mettait 15pts par matchs, avec des pointes à 27 et 25 en quart et demi-finale). Comme il avait aussi beaucoup la balle en G League, le tournoi U19 est le seul contexte dans lequel Jalen Green jouait off-ball. Cela rend donc ces 7 matchs très intéressants à observer.

Je vous renvoie donc à l’article spécial sur ce sujet.

Là où les matchs FIBA sont clés, c'est pour évaluer ses qualités off-ball, notamment en spot-up. Il sortait du banc avec les U19 et ne portait pas la balle. On a donc pu le voir faire du catch-and-shoot, avec plus ou moins de réussite. La mécanique reste selon moi très bonne. pic.twitter.com/0ceA4gsOhT

— Guillou Alan (@Alan_Guillou96) January 17, 2021

 

Jalen Suggs

Stats sur la compétition : 9.6pts / 2.7rbs / 2asts / 1.3 TO / 2.4stls ; 29% aux shoots (sur 64 tentatives), 25% à 3pts (sur 36 tirs tentés) & 77% aux LF (sur 26 tentatives) en 16mins de moyenne

La compétition de Jalen Suggs était décevante si l’on se réfère aux statistiques, mais il faut dire qu’on l’utilisait bien différemment dans cette équipe américaine qu’au lycée ou même qu’à Gonzaga. Porteur de balle à Minnehaha (son écolé dans le Minnesota), créateur en transition et scoreur en NCAA, Suggs jouait totalement off-ball dans cette équipe américaine. Positionné aux côtés de Tyrese Haliburton et Cade Cunningham, Suggs était utilisé en spot-up pour écarter le terrain, sanctionner dans les coins : quasiment 50% de ses tirs étaient ainsi pris à 3pts, et même si la réussite fut sporadique, il était clé pour le spacing de l’équipe.

Dans un autre contexte que Gonzaga, Jalen Suggs était totalement off-ball au FIBA U19 en 2019. Titulaire aux côtés de Cade/Haliburton, spot up shooter, cutter off ball et défenseur impliqué, il était un vrai joueur d'équipe. % aux shoots moyens mais clé dans le spacing US. pic.twitter.com/hYGwdxIsnz

— Guillou Alan (@Alan_Guillou96) July 13, 2021

Un des éléments clés du jeu de Suggs pour la NBA reste sa réussite en catch-and-shoot, et cela car il est assez difficile de le voir être assez fort balle en main pour initier beaucoup d’attaque. Sur ses matchs NCAA ou FIBA, ses pourcentages sur ces types de tirs n’étaient pas bon, ce qui permet d’axer un point clé de sa future progression. Triple médaillé d’or avec Team USA (comme Jalen Green), Suggs avait toujours ce rôle secondaire voir tertiaire dans son équipe, ce qui a permis de le voir faire plus de choses qu’à Gonzaga. On l’a vu super actif défensivement loin du ballon, naviguant entre les écrans et suivant les shooters, actif aux rebonds...

 

Scottie Barnes

Stats sur la compétition : 9.7pts / 5rbs / 2.7asts ; 54% aux tirs (sur 48 tentatives), 1/2 à 3pts & 65% aux LF (sur 23 tentatives) en 20mins de moyenne

Si des joueurs comme Jalen Green ou Jalen Suggs avaient, dans cette sélection U19, des rôles différents qu’en NCAA, au lycée ou en G League, pour Scottie Barnes, les rôles pouvaient être vu comme similaires. L’ancien joueur de FSU sortait du banc, majoritairement aux côtés de Jalen Green, Trevion Williams ou Kira Lewis JR, et servait de parfait glue guy. On ne l’a pas vraiment vu porter la balle ou créer sur attaque placée comme à Florida State, mais il faisait toujours les bonnes passes, coupait loin du ballon, était une vraie menace en transition...

Comme cette année en NCAA ou à Montverde par le passé, le tir était le principal axe négatif de son jeu. Il n’a pris que 2 paniers à 3pts en 143mins sur le tournoi, refusant notamment des tirs ouverts. Dans une équipe ultra talentueuse, son rôle de joueur ultime d’équipe, capable de switcher de 1 à 5 ou de prendre des décisions balle en main sur short-roll avait pu être mis en valeur. Ainsi, on a pas pu vraiment être rassuré dans un autre contexte en ce qui concerne le tir extérieur, mais on a pu voir un Barnes plus versatile offensivement.

En dehors du contexte FSU, intéressant de revenir sur le FIBA U19 de Scottie Barnes avec Team USA en 2019.
Leader du banc avec Jalen Green, défend les intérieurs + switch sur les porteurs de balles adverses. Capacités de création. Glue Guy parfait dans une équipe loaded... pic.twitter.com/suubUJ4MMQ

— Guillou Alan (@Alan_Guillou96) July 4, 2021

 

En ce qui concerne Ziaire Williams et surtout Evan Mobley, les deux prospects n’avaient pas assez joué pour pleinement les évaluer. Mobley était blessé et n’avait joué que deux matchs, pour un total de 7mins. Pour Williams, il jouait surtout les fins de matchs : il a ainsi joué seulement 15mins sur le quart, la demie et la finale. On avait vu un shooter de talent, un dribble déjà problématique et un joueur qui devait progresser physiquement. A noter aussi la présence de Jeremiah Robinson-Earl, l'intérieur sophomore de Villanova et également candidat à la Draft 2021. Titulaire au poste 4, il était super un vrai partenaire de pick-and-pop à mi-distance pour Cunningham, un défenseur capable de s'occuper de profils divers et un vrai joueur d'équipe. A part le premier match contre la Nouvelle-Zélande, il avait mis plus de 10pts dans toutes les rencontres (en ne jouant que 20mins de moyenne).