Pour extraire du fleuve la pépite d'or, il est souvent utile d'utiliser un tamis. Voilà comment nous avons décidé de faire usage des statistiques pour distinguer le bon chasseur du mauvais chasseur, le bon joueur NCAA du bon joueur NBA. Les playoffs nous prouvent chaque année que, même loin dans la draft, voir undrafted, on peut trouver des talents capables de contribuer pendant de précieuses minutes, être parfois la différence, quand tout se resserre, entre un match gagné ou perdu. Après deux articles de pré-tri, un pour les arrières (plutôt meneurs) et un pour les ailiers (3&D), on résume ici ceux qui, on le pense, pourront avoir un rôle en NBA.

L'épisode sur les ailiers

Celui sur les meneurs back up

Si on utilise le tamis pour regrouper des joueurs dont le profil est digne d'intérêt, il est ensuite nécessaire, pour voir la pépite, de faire usage de ses sens. Le chercheur d'or, genoux dans le fleuve ou le dos courbé, s'endurcit les yeux à repérer le moindre grain qui serait une pépite. Nous maltraiterons notre iris à coups de vidéos de matchs, de lectures d'interviews, nous rosserons notre dos sur notre chaise de bureau. Après avoir effectué un premier tri en cours de saison, jetons de nouveau un oeil au tamis, une fois la saison écoulée. Du côté des "meneurs/arrières/playmakers", voici la liste (lien ici) dont on extrait les deux joueurs de petite fac' dont nous avions parlé dans l'article :

- Hunter Maldonado

- Alondes Williams

- Kennedy Chandler

- Trevion Williams

1 / Rentrez vos lancers-francs

Des joueurs qui sont positifs défensivement (>1,5 Defensive BPM), ne gâchent pas au tir (>50% Efg) et créent pour les autres, beaucoup (>30%AST). Une lacune nous saute aux yeux : personne ne tire des lancers-francs à plus de 72%. Acceptable pour les "bigs", c'est plus compliqué pour les moins de 2m04 (6 feet 7). Les noms des draftés, hors très hauts draftés (Zion, Lonzo, Markelle, Barrett) qui sont des phénomènes physiques : Landry Fields, E'Twaun Moore, Damion James, Trevor Booker, Glenn Robinson III, Nick Calathes. On ne parle pas de joueurs à la longévité extraordinaire dans la ligue, même si Moore a su se transformer en shooteur acceptable pour gratter des minutes, Booker utiliser son volume défensif et intelligence offensive. C'est d'ailleurs le modèle à suivre pour Trevion Williams.

L'intérieur de Purdue a tout, sauf le range. C'est le meilleur intérieur passeur de la cuvée, il est tonique, plus qu'on ne le croit, sur les appuis. Son centre de gravité bas lui permet de contrôler des joueurs plus grands, il semble avoir une envergure (copyright) et un standing reach démentiels. Très souvent évoqué - à raison - pour sa capacité offensive, il est, à mon avis, sous évalué défensivement. Néanmoins, peut-on encore drafter un joueur shootant à 60% aux lancers-francs ? Oui, si on ne compte pas lui donner un énorme temps de jeu, ni des responsabilités de finisseur. Oui, si on croit au développement de son tir. Trevion Williams manque d'adresse mais ne manque pas de toucher. Il est diablement efficace sur ses possessions poste bas, il a une adresse de 47% pour les tirs à deux points qui ne sont pas "au cercle". A-t-il un problème avec la phase arrêtée du lancer-franc, un blocage mental ? Il arrive parfois que, pour des raisons de coordination, certains joueurs ne parviennent pas, ou moins bien, à scorer sans mouvement préalabale. L'exemple le plus frappant récent côté Français est celui de Killian Hayes, en galère avec le catch & shoot quand il excellait en termes d'adresse sur le pull up. Problème : quand vous n'êtes pas le point central de votre équipe, il est probable qu'on vous recherche en tant que finisseur, alors seuls ceux dont l'efficacité sera redoutable pourront rester sur le parquet, la crème de la crème, pas le babeurre. Trevion Williams pourra-t-il être une menace suffisament imposante sur un roll pour pouvoir ensuite développer son talent à la passe ? Ou son talent à la passe est-il, à l'instar de celui d'un Draymond (on compare une qualité, pas le joueur dans son ensemble, ça n'a plus de sens depuis longtemps), anticipatif plutôt que réactif ? Sur le roll, on a des doutes mais on peut avoir de l'espoir. Même chose en ce qui concerne la passe. Trevion Williams n'est pas seulement un passeur réactif, il anticipe les mouvements, son oeil est exceptionnel, sa main réagit rapidement : ici la coordination fonctionne. On espère donc, et je parlerai ici à titre personnel, qu'il pourra endosser le rôle d'un Alperen Sengun à Houston cette année. L'équipe qui le sélectionnera devra obligatoirement lui donner le ballon, des responsabilités, pour voir s'il vaut le coup, s'il est efficace. Il serait préférable, donc, que Trevion Williams atterrisse dans une franchise avec peu d'attentes sur le plan des résultats. Sa marge de progression est limité, vu son âge et son évolution au fil des ans. Le bénéfice/risque ne sera positif qu'avec un risque faible, on l'imagine donc drafté entre les positions 40 et 60, sans contrat garanti.

2 / Chérissez le ballon

Kennedy Chandler est un cas atypique, vu sa hype il ne saurait être considéré comme steal, le meneur de Tennessee est étonnament bon en défense mais il est petit. Le voir pleurer lors de sa défaite au NCAA Tournament n'a fait que renforcer notre croyance en son mental. Son scouting report par l'immense Benoit Leliève est un must read.

Hunter Maldonado, nous n'y passerons pas énormément de temps car j'y crois un peu moins qu'aux autres. S'il est dans la liste, c'est qu'il a une chance. Plusieurs facteurs impressionnent, à commencer par son moteur physique ou mental. Maldonado a joué 37 minutes par match, avec un taux d'usage (temps passé en possession de la balle par rapport au temps total offensif) de 31% (beaucoup), tout en défendant régulièrement sur le meilleur attaquant adverse. C'est un très bon défenseur en NCAA, un très solide général de parquet en attaque, où il est bien aidé par ses 2m01. Mais son profil ne paraît pas ASSEZ dans l'impact en défense : il n'a ni la mobilité latérale d'un Alvarado, ni la longueur d'un Herb Jones, pour citer deux joueurs actifs et utiles en playoffs dès leur saison rookie (et draftés "vieux"). Offensivement, il n'a montré aucune amélioration au tir au cours de ses cinq années de NCAA, naviguant dans des eaux trop faibles pour la NBA en adresse et en volume (25% de loin et seulement 84 tirs primés tentés sur la saison, 71% aux lancers-francs), malgré une exceptionnelle adresse à mi-distance de 47,5% sur les deux points hors dunks/tips/layups. En imaginant très fort on peut le voir être un stabilisateur d'une second unit avec de gros scoreurs et floor spacers à côté de lui (vous avez dit Brooklyn ? Même les Knicks version IQ sortant du banc), mais la plus-value n'est pas immense.

Alondes Williams, en revanche, est le cas qui nous intéresse ici, et dieu sait s'il me divise intérieurement. Explications. Comme l'indique son scouting report écrit par le précis Steeve Boyer, Alondes est doté de qualités physiques en faisant de facto un joueur NBA. Si un prospect ne sort du lot physiquement par aucune qualité précise, ce n'est probablement pas un prospect NBA (sauf s'il termine à Miami, #HeatCulture). AW, lui, est un tank, rapide sur le premier pas sans être une F1 il lui suffit d'avoir une toute petite longueur d'avance pour la garder ensuite grâce à sa force et son équilibre. S'il ne s'est pas créé l'espace, il en est capable ensuite, par un jeu de puissance, prise de contact, changement de direction, capacité à désaxer son ballon et son corps entier tout en restant sous contrôle. Il maîtrise une gamme d'appuis immense, longs, courts, rapides, lents, en spin, en ligne droite, en décalé : Alondes Williams sait aller au cercle. Ces appuis, son coffre, permettent d'envisager un joueur capable de défendre plusieurs positions efficacement même s'il est dominé par la taille : c'est indispensable pour ce genre de profil. Ajoutez à cela un très bonne taille pour sa position (1m96) et vous avez un POTENTIEL défenseur de niveau playoffs. Dans l'attirail du meneur de jeu (on devrait dire porteur de balle), on trouve aussi la dextérité, mot français pour dire handle : Williams l'a, sans souci, avec un drive bas, haut, sur les deux mains, rarement pris en défaut. Les passes aussi il les maîtrise, extrêmement bien, dans le dribble ou pas, à une ou deux mains. Mais de chaque côté du terrain il y a un "mais". Offensivement, au-delà du tir, qui n'est pas bon (28% de loin et 69% LF), c'est surtout l'inconstance de AW qui marque, pour un joueur de troisième année. Il semble dilettante dans certains choix offensifs, surtout quand l'opposition est relevée : 26% de ballons perdus (énorme) face aux équipes du top 50 NCAA (selon classement Kenpom) contre 18% si on prend les chiffres globaux. Défensivement, même chose, il est inconstant à l'opposé, mais aussi dans l'effort pour franchir les écrans, ce qu'il pourrait théoriquement faire avec facillité vu son physique. Dans la liste des meneurs qui ont dépassé les attentes en terme de backup, la propreté et la compétitivité ressortent comme deux caractéristiques clés. Autrement formulé, sur le papier statistique et physique, hors tir (mais j'y crois, notamment à la mécanique et avec son toucher près du cercle), Alondes Williams passe le test. Sur la projection mentale et spécifique du rôle demandé, je ne suis pas certain, je doute. Sa qualité naturelle de passe et d'oeil devrait lui permettre de perdre moins de ballons que cela. Il sera proche du premier tour dans mon Board final, mais après avoir passé haut la main l'épreuve du tamis, le dernier tri "à l'oeil" ne m'a pas permis de déterminer si le joueur de Wake Forrest était une pépite ou un caillou aux reflets brillants. S'il shoote à 38%, il n'y aura évidemment aucun problème, mais ce serait très étonnant dès la saison prochaine. L'outil Bartorvik propose ces comparaisons pour AW, sur le plan statistique : seuls Austin Reaves et Sonny Weems ont, ou ont eu, un morceau de carrière NBA. 

3 / Défendez fort

Et si parfois la pépite d'or traversait le tamis ? Et si, par le contexte de son dépot sur l'outil (la force du courant, le poids et la taille de la pépite, surtout la qualité du tamis), nous l'avions manquée ? Il arrive que des joueurs avec une statistique horrible, semblant irrémédiable pour jouer en NBA, parviennent à percer. L'exemple récent le plus criant est celui du ratio "lancers-francs tentés / tirs pris" (FTr, free throw rate) d'Immanuel Quickley. On le croyait incapable d'appréhender le contact, d'aller au cercle, de poser les pieds dans la peinture, bref : on l'imaginait incapable de créer des différences par le dribble. Ses dernières sorties tendent à prouver que non. Parfois il faut laisser ses yeux courir au fond de l'eau, sa main glisser au fond du fleuve, pour attraper la pépite improbable. Où, pour reprendre les conseils du plus grand parolier francophone du XXe : il nous faut regarder ce qu'il y a de beau. Beau n'étant pas l'adjectif qui colle le mieux au style de jeu de Scotty Pippen Jr, on préfèrera, "ce qu'il y a d'intriguant". Le fils de Scottie Pippen est un meneur de troisième année à Vanderbilt, qui vient de terminer sa troisième saison en dessous des 50% de EFG% (réussite au tir prenant en compte la valeur d'un shoot à trois points), c'est-à-dire qu'il est maladroit, généralement éliminatoire, c'est d'ailleurs pour cette raison que la statistique faisait partie des critères initiaux. Mais regardons ce qu'il y a d'intriguant. Les joueurs draftés depuis 2008 avec une réussite inférieure à 50% EFG et un %AST supérieur à 30% sont au nombre de 25 de la taille ou plus petit que Pippen (6'3", soit 1m91) : presque deux par an avec des réussites comme Kemba Walker, Norris Cole, CJ McCollum, De'Araon Fox. Ces joueurs ont en commun - à l'instar de Pippenito - d'avoir pris beaucoup trop de tirs longs à deux points, ceux qui réduisent drastiquement l'efficacité. Quand on voit jouer Vanderbilt, il est criant que - pour la majorité de la saison, pas en entier - le meneur était seul au commande d'un rafiot pas vraiment performant (19 victoires pour 17 défaites) dans une conférence très athlétique (SEC) où il se coltinait régulièrement les bulldogs adverses sur le paletot. Au cercle, Pippen réussit à 57%, pas exceptionnel mais correct, et à trois points il devait se créer plus de 40% de ses tirs (pas de passes décisives) ce qui explique en partie un 32,5% moyen. Certes, il aurait du progresser pendant ses trois ans en NCAA, il ne l'a pas ou peu fait (il a même grandement régressé aux LF, de 85% à 75) que ce soit au niveau de l'adresse, de la protection du ballon. MAIS : il est athlétique (10 dunks sur l'année), il n'aura pas DU TOUT le même rôle en NBA. En fin de saison on l'a vu même patient, expérimenté, capable de laisser une équipe adverse le priver de ballon et accepter son sort, le tout pour prendre ses responsabilités dans le clutch. C'est un leader, bon créateur, la mécanique est propre, il peut tirer en appuis "gauche-droite" ou en "hop" ("arrêt un temps/simultanné", on disait quand j'ai appris le basketball) avec le même équilibre. Avec moins de responsabilités il sera plus efficace et capable de driver pour resserrer les défenses. Surtout, il défend bien. Peu engagé la plupart du temps, malheureusement, quand il l'était on l'a vu verrouiller des arrières très rapides grâce à sa vitesse latérale, mais aussi une force très correcte pour rester aux slashers puissants. En intensité maximale, s'il a envie, il peut devenir une arme NBA sur le "point of attack", un rôle qui a de la valeur, surtout en playoffs. Seul problème : je ne crois pas vraiment au 6"3 annoncé, cela signifierait qu'il a grandi de 6 centimètres en un peu plus d'un an. Le NBA Combine sera certainement un juge de paix pour Pippen Jr. tout comme son attitude. Pour l'instant il est loin des standards NBA malgré son potentiel mais s'il s'inspire du père, alors...

4/ Fouettez le poignet

Passons maintenant aux ailiers. L'adresse ET le volume, ce n'est pas facile à trouver. On ajoute les capacités athlétiques, voilà pour faire le tri. Sur la saison NCAA écoulée, seuls 13 joueurs de plus de 6'5" ont dunké plus de 10 fois, avec un taux de lancers-francs supérieur à 25 (un lancer-franc tenté tous les quatre tirs), plus de 10 tirs à trois points sur 100 possessions. Parmi ces 13, cinq jouent dans des grandes conférences : Jabari Smith, Blake Wesley, Ochai Agbaji, Bennedict Mathurin, tous les quatre très probablement choisis au premier tour (scouting reports en cliquant sur leurs noms) et... Kris Murray, frère jumeau de Keegan, probable top 10. Parmi ceux qui restent, Gus Okafor, Bodie Hume et Vince Williams Jr. sont candidats à la draft selon la liste fournie par la NBA. On élimine Savion Flagg, qui a 23 ans et ne parvient pas à faire mieux que 52% aux lancers-francs (59 en cinq ans de carrière universitaire), c'est un problème malgré sa réussite de loin (35%) sur un beau volume. Son profil physique était dominant dans une toute petite conférence, il paraît peu utile de le considérer (même si on ne sait jamais). Nous croyons plus ou moins fort, chez Envergure, à Vince Williams Jr, pas vraiment dominant sur l'homme mais excellent en défense d'aide/collective : 3,8% de blks et 2,9% de stls, devenu un shooteur prolifique. Son scouting report est ici.

Passons aux autres. Nous avions déjà éliminés Bodie Hume lors de l'article préliminaire, car il n'est ni explosif ni vraiment mobile latéralement, sans un QI basket exceptionnel. Gus Okafor est dans la même veine : il apporte peu en défense mais paraît un peu plus athlétique du côté de la force, un peu moins côté vitesse. La difficulté de scouter dans les conférences "Mid-Major" reste présente : à quel point domine-t-il parce que l'opposition est faible ? Son DBPM (apport défensif), stat à prendre avec précaution mais pas inintéressante, est négatif. Il jouait plutôt poste 4, en fin de chaîne, ce qui permet de l'évaluer dans un contexte proche de ce qui serait un rôle professionnel. La lenteur / lourdeur est un problème au niveau supérieur, même si la puissance est un facteur important afin de stopper les gros ailiers.

Kris Murray sortait du banc à Iowa cette saison, derrière ou avec son frère. Ses chiffres avancés sont honnêtement impressionants : fort au contre, rebond, peu de balles perdues, 39% de loin. Maintenant, les stats "en volume" le sont beaucoup moins car il jouait moins de 20 minutes par match. Selon Bartorvik, depuis 2007, rares sont les joueurs draftés en jouant moins de 45% des minutes de leur équipe en NCAA. Parmi les exemples qui ont "marché" : OG Anunoby, Spencer Dinwiddie, Zach Collins, Khris Middleton. Parfois, ça peut donc fonctionner, mais Murray n'a pas eu des limites côté minutes uniquement par coaching, aussi à cause de ses fautes : plus de 6 par 40 minutes sur les matchs de conférence (Big Ten, celle d'Indiana, Michigan, Ohio State...), il a parfois eu du mal face à des grands intérieurs. Ensuite, on y revient, mais avec 65% aux lancers-francs, on ne joue que peu en NBA, surtout quand on est labellisé "stretch 4". Le tir se fait en deux temps, pourrait être plus fluide, mais on n'aperçoit pas forcément de gestes parasites irrémédiables ou nuisibles à l'efficacité. Comme pour son frère Keegan, on se pose d'abord la question de l'utilité du profi en NBA : plutôt haute, un grand poste quatre pouvant shooter, protéger le cercle et switcher sur les deux positions d'ailiers, ça a de la valeur, surtout en playoffs (pensez : le shoot de Crowder avec la défense de Cam Johnson, pas l'inverse sinon on le drafte tout les jours). Ensuite vient la question de l'âge : il aura 22 ans cette année, très vieux pour un sophomore. Certes, sa courbe de progression n'est pas terminée, mais si les franchises cherchent un potentiel, autant se tourner vers plus jeune et plus haut. Pour l'instant, son "plancher" ne semble pas assez évident. En dernier lieu, pourtant, vient la question de la génétique. À quel point deux jumeaux monozygotes peuvent-ils différer dans leurs aptitudes à une activité donnée ? Il est admis par plusieurs recherches scientifiques que la génétique joue un rôle important dans la performance. Kris et Keegan ont le même parcours, la même éducation, les mêmes entraînements. Citons alors cet article de Richard Veronique et Halliwell Wayne, datant de 2014.

Finalement, une étude portant sur deux jumeaux identiques soulève un aspect intéressant du débat entourant l’excellence sportive. En effet, malgré la similitude de l’environnement entourant les deux individus ainsi qu’une génétique identique, un des jumeaux a réussi à décrocher trois médailles olympiques, dont une d’or, tandis que l’autre n’a obtenu qu’une onzième place. Suite à la passation de différents tests (physiques, physiologiques, psychologiques), les résultats ont montré des différences négligeables en ce qui a trait aux attributs physiologiques, mais une divergence importante au niveau des traits de personnalité. Le jumeau ayant connu le plus de succès a, en effet, obtenu un bien meilleur résultat lors du test psychométrique mesurant la gestion de la colère (State-trait anger expression inventory). Ces résultats suggèrent donc que, bien que les prédispositions génétiques et l’entraînement physique intensif soient des éléments essentiels au développement athlétique, le succès pourrait être largement influencé par les caractéristiques psychologiques.

De là à conclure que Kris Murray n'aurait pas les aptitudes psychologiques pour réussir autant que son jumeau, il n'y a qu'un pas, qu'on peut franchir en prenant des pincettes (il ne s'agit que d'une seule étude sur deux jumeaux). Mais quand on sait l'importance accordée par les front office aux traits psychologiques, on peut se demander à quel point Kris réussirait moins bien que Keegan aux tests de personnalité que font passer la majorité des FO de NBA lors du processus pré-draft. Physiquement et dans les qualités athlétiques, Kris Murray est similaire à un joueur qui pourrait être drafté dans le top 10 selon ESPN et The Athletic. Comme pour Pippen Jr plus haut, on retrouve l'importance du mental de champion, du cerveau de l'athlète de haut niveau.

5 / Musclez votre tête

En parlant de cerveau, s'il reste difficile à sonder, certains indices ne trompent pas. C'est ainsi que Jake LaRavia, coéquipier d'Alondes Williams à Wake Forrest, est un chouchou depuis le début de saison. Nous avions déjà un oeil dessus lorsqu'il évoluait à Indiana State, car il était un crack absolu des stats avancées. En 21/22, on ne le retrouve pas avec le tri effectué plus tôt, mais le film est là pour nous prouver que le joueur mérite absolument la draft. De nombreux experts sont d'ailleurs en accord avec nous, il a intégré le top 30 récemment de plusieurs "Big Boards". Il mesure 2m04 environ, costaud, solide, peut défendre à la fois des plus petits grâce à sa discipline et des ailiers-forts déménageurs (c'est lui qui s'occupait de Paolo Banchero lors des oppositions face à Duke, il le faisait plutôt bien). Surtout, son adresse lointaine a évolué : il shoot toujours assez peu mais y parvient après mouvement, après un dribble de décalage aussi. Ajoutez à cela une réussite très correcte vu la difficulté moyenne des tirs (38%), une réussite au cercle impeccable (67%) et indécente sur les longs deux points (51% et seulement 8% venant d'une passe décisive) : on a les ingrédients de base d'un 3&D. Bonus : il est très intelligent loin du ballon, encore plus avec, réutilisons le mot discipline et mettons-le à côté du mot créativité. LaRavia mélange le tout et s'il perd trop de gonfles (20%), c'est parfois parce que le cerveau de ses coéquipiers ne va pas assez vite. Surtout, l'ailier au blaze et au physique de boxeur des années 60 est un travailleur acharné, sa progression linéaire le prouve. Garder le même taux de lancers-francs en passant d'Indiana State à Wake (57, c'est très fort) est un signe d'adaptation au niveau supérieur évident. Il n'a que 20 ans, très jeune pour un troisième année (junior) NCAA, garantissons ou presque son adaptation au niveau encore supérieur, dès l'année prochaine. Statistiquement, son profil est comparable à celui de Royce O'Neale, Jae Crowder.

Au moment où Steeve écrivait le scouting report de LaRavia, il notait son manque de qualité "élites", avec grande justesse. Jake L a beaucoup progressé depuis, devenu défenseur très correct sur plusieurs positions, shooteur respectable, avec tout le QI nécessaire pour pouvoir exploiter les failles que lui laisse la défense. On ne parle pas ici d'un steal "à la" Desmond Bane, qui perdait moins de ballons, shootait à plus haut volume et pourcentage, était capable de créer avec efficacité sur pick'n roll (comment est-il tombé en 30 ?). Mais pour une équipe qui va choisir entre 20 et 30, avoir un contributeur avec ce plancher déjà solide ET dont la courbe de progression est forte, ça peut devenir une affaire en or. Imaginez-le devenir un top 7-8 de rotation, en playoffs, d'ici 2 ans (genre Grant Williams), le tout pour un salaire de fin de premier tour de draft (2,2M$/an pour le pick 20 selon l'échelle de l'an passé, 1,7M$ pour le pick 30). Memphis possède deux choix entre 20 et 30, on retrouve aussi Miami, Golden State, Dallas, Milwaukee, Denver. Qui osera ?